A BEUZEC-CONQ, le 20 février 1906, les inventaires des biens d’église n’ont pas donné lieu à incident.
Par contre, le recteur avait préparé une longue protestation, qu’il a lue.
La mission dont vous êtes chargé, Monsieur le Receveur, appelle de notre part et de la part du Conseil de Fabrique une énergique protestation. Cette protestation ne s’adresse pas à votre personne mais à la loi dont vous êtes l’exécuteur désigné ; nous la formulons avec toute l’indignation qu’excite en nous un acte condamné et par la loi divine et par le code civil lui-même.
Nous soussignés, membres de la Fabrique de Beuzec-Conq, nous protestons contre la loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’administration des biens de notre église nous a été confiée par qui de droit, et nous ne reconnaissons pas à l’Etat le pouvoir de nous l’enlever. Les biens de l’Eglise, meubles et immeubles, sont la propriété des catholiques, et le droit canon, ce code trop méconnu, nous apprend que le Pape seul, chef des catholiques, a lui-même le droit d’en disposer en vue du plus grand bien de l’Eglise. Dans une encyclique que vous avez pu lire hier dans les journaux, le Souverain Pontife, après avoir démontré que la Loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat est injurieuse à Dieu, viole le droit naturel, le droit des gens, est contraire à la constitution de l’Eglise, à ses droits essentiels et à sa liberté, mine l’union et la concorde et par là-même est néfaste au pays, réprouve et condamne cette loi. On se demande si le Pape permettra ou interdira la transmission des biens de l’Eglise à une association cultuelle quelconque. Sa décision sur ce point sera suivie par tous les catholiques, mais ne sera connue que dans quelques jours, quelques semaines peut-être. D’ici là, les catholiques, prêtres et fidèles, ne peuvent, en conscience obéir à la loi et coopérer à un inventaire.
Nous savons que nos plaintes ne seront pas écoutées et que vous passerez outre à toutes nos réclamations ; mais pour l’acquis de notre conscience, nous ne pouvons pas ne pas protester contre une mesure inutile, vexatoire, provocatrice.
Avant le commencement de toute opération inventoriale, nous vous déclarons réserver tous les droits de la Fabrique et aussi des familles et des particuliers sur les biens leur appartenant et qui auraient été indûment compris dans l’inventaire.
Nous conseillons à tous le calme et le respect des agents ; si des scènes regrettables avaient lieu, nous en laissons la responsabilité à ceux qui les auraient provoquées.
Nous demandons l’insertion de cette déclaration dans le procès-verbal de l’inventaire.
L. D., recteur de Beuzec Conq
Source :
AD29
Les sillons de Beuzec