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1921 Emblèmes religieux à l'école de PLONEIS - Laïcité Aujourd'hui

1921 Emblèmes religieux à l’école de PLONEIS

, popularité : 15%

Extraits du registre des comptes-rendus des réunions de bureau et conseils d’administration de l’Autonome du Finistère :

Réunion de Bureau du 24 Mars 1921 - p. 123

« Affaire F. à Plonéis.

- Les élèves de notre collègue ayant arboré des emblèmes religieux en classe, notre collègue leur fit observer que ces emblèmes étant formellement interdits dans les écoles publiques, elles devaient les enlever tout de suite sous peine de renvoi.

Le jour même, pendant la récréation, le recteur de Plonéis, accompagné du maire et de l’adjoint, se présenta dans la cour de l’école et reprocha « sa conduite » à la directrice.

Une enquête a eu lieu et une plainte sera probablement déposée au parquet. »

La secrétaire C. LE TALLEC.

Assemblée Générale du 23 Juillet 1921 à BREST - p. 130

« Zèle clérical :

Enfin, le 25 février, la main noire sort de l’ombre à Plonéis. L’école des filles y était l’objet des incessantes attaques cléricales. Les élèves catéchisés par les deux religieuses installées en face de l’école, se présentèrent ce jour à l’école, portant, épinglées au corsage, des broches à l’image du « Sacré-Coeur ». L’incident désiré se produisit.

Forte de la C.M. ( circulaire ministérielle) du 9 avril 1903 et de l’esprit des lois de laïcité, notre collègue, Mme F. fit observer aux élèves qu’elles devaient enlever leurs insignes, interdits dans les écoles publiques. Une petite rébellion se produisit et la sortie eut lieu aux cris de : « Vive le Sacré-Coeur ! ».

Le même jour, pendant la récréation de l’après-midi, le recteur accompagné du maire et de l’adjoint se présenta à l’école et, devant les élèves assemblées, protesta contre les faits de la matinée, ajoutant à l’adresse de Mme F. : « Le lieu où nous sommes est public, nous sommes chez nous par conséquent et c’est votre conduite qui m’y appelle ».

Cette violation flagrante des lois laïques nous paraissait de nature à amener notre saint homme à la barre du tribunal.

Hélas ! nous ne comptions pas assez avec « l’Union sacrée » et, malgré les conclusions énergiques de l’administration et nos vives instances pour qu’une sanction sévère mette un terme à la campagne systématique menée avec plus d’acharnement que jamais contre l’école laïque, un non-lieu est probable. Devions-nous agir quand même ? Il eût fallu aller en cour d’assises et nos Conseils s’y opposèrent."

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L’ AFFAIRE RELATÉE PAR LA PRESSE LOCALE

Les nombreux journaux ou bi-hebdomadaires du début du XXème siècle affichaient chacun une ligne éditoriale bien marquée : échanges et commentaires parfois un peu vifs et fleuris...

Le Progrès 12 mars 1921
Le Citoyen 18 mars 1921
Le Militant 26 mars 1921
Le Progrès 26 mars 1921
Le citoyen 1er avril 1921
Le Citoyen 8 avril 1921
Le Progrès 23 avril 1921
Le Citoyen 29 avril 1921

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La Fédération des Associations catholiques de Chefs de Famille est saisie

C.R. de l’A.G. des ass. de chefs de famille

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L’Education Nationale réagit
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L’Inspecteur Primaire répond à un article du Progrès

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L’Inspecteur d’Académie écrit au Préfet
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L’I.A. écrit au Préfet (décryptage)

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Le Préfet réagit :

Décryptage :

Quimper, le 6 mai 1921

Le Préfet du Finistère à Monsieur le Maire de PLONÉÏS.

J’ai l’honneur de vous informer que M. l’Inspecteur d’Académie vient de m’adresser un rapport dont je vous donne ci-dessous copie relatif aux incidents provoqués à l’Ecole primaire de votre commune par le Recteur de la paroisse et auxquels, par votre présence vous vous êtes associé.

A la date du 25 Février, Mme F. écrivait ce qui suit à M. l’Inspecteur primaire :

« Je crois devoir vous mettre au courant des faits qui se sont passés à Plonéïs hier et aujourd’hui. J’ai défendu aux élèves de porter ostensiblement le « Sacré-Coeur » en classe. Soutenues par les Soeurs, quelques-unes ont refusé de m’obéir ; sur ce, je leur ai interdit l’entrée de la classe.

Aujourd’hui, j’ai reçu dans la cour, à la récréation de l’après-midi, la visite de M. le Recteur accompagné de MM. le Maire et l’adjoint. Le premier seul s’est adressé à moi en ces termes : « Il y a des plaintes contre vous parce que vous défendez aux enfants d’entrer à l’école avec le Sacré-Coeur. Vous n’avez pas le droit de faire cela ; vous vous mettez au-dessus de la loi ; vous vous rendez ridicule ; vous avez parlé contre la religion ; s’il arrive un accident aux enfants vous en serez responsable ». Et ce monsieur est parti menaçant. Les deux autres n’ont soufflé mot ».

Tous les termes de cette lettre si mesurée dans sa forme sont exacts et Mme F. ne dit pas que le curé avait répondu lorsqu’elle lui avait demandé ce qu’il avait à lui reprocher : « Votre conduite, Madame. »

En introduisant et en accompagnant le Recteur dans la cour de l’école et en participant ainsi à sa manifestation
« M. le Maire et M. l’Adjoint ont manqué aux plus élémentaires devoirs de leurs fonctions : alors qu’ils devraient donner l’exemple de l’obéissance à la loi, ils l’ont ouvertement violée ; alors qu’ils devraient s’efforcer de pacifier les esprits, ils se sont prêtés à une manifestation de nature à exciter les passions religieuses.

Mais ce qui aggrave, à mes yeux, cette manifestation ( je ne relève pas ce qu’il y a d’odieux dans la conduite de trois hommes qui s’assemblent pour menacer une femme, veuve de la guerre et sans défense ) c’est qu’elle s’est produite devant les élèves attentives et curieuses ».
L’exactitude et le caractère des faits rapportés viennent d’être vérifiés par une enquête.

Bien que vous n’ayez pas pris part personnellement aux propos tenus par le recteur, votre seule présence a constitué un manquement grave à vos devoirs ; vous avez perdu de vue le respect de la neutralité d’école et vous avez compromis l’union dans la commune.

Votre attitude en cette circonstance a été absolument regrettable.

Je vous adresse un blâme formel.

Le Préfet.

Le même courrier a été adressé par le Préfet du Finistère à l’Adjoint au Maire de Plonéïs .

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L’Inspecteur d’Académie s’informe auprès du Préfet

Décryptage :

Quimper, le 28 décembre 1921

L’Inspecteur de l’Académie de Rennes, en résidence à Quimper, à Monsieur le Préfet du Finistère.

Par mon rapport en date du 4 mai dernier, j’ai porté à votre connaissance les incidents qui s’étaient produits à l’école publique de filles de Plonéïs et je vous ai demandé des sanctions pour le Maire et son adjoint ainsi que pour le curé et les religieuses de cette commune.

Par votre lettre du 19 mai vous m’avez informé que vous aviez adressé un blâme formel à M. le Maire et à son adjoint, et que vous aviez saisi de l’affaire le parquet de Quimper pour apprécier si les faits articulés à l’encontre du curé et des religieuses tombaient sous le coup de la loi pénale et devaient être poursuivis.

Je vous serais reconnaissant de vouloir bien me faire connaître les suites qui ont été données à cette affaire par le parquet de Quimper.
L’Inspecteur d’Académie ;
M. MASBOU

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Le Ministre s’informe

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Le Préfet saisit le Procureur de la République

Courrier du Préfet du Finistère au Procureur de la République de Quimper :

( Mention « TRÈS URGENT » en marge )

Quimper, le 30 décembre 1921

Le Préfet du Finistère, à Monsieur le Procureur de la République à QUIMPER.

A la date du 11 mai 1921, j’ai eu l’honneur de vous saisir, à toutes fins utiles, de l’affaire qui m’avait été signalée par M. l’Inspecteur d’Académie au sujet des incidents provoqués à l’école primaire de Plonéïs, par le recteur et les religieuses de cette commune.
Je vous serais obligé de vouloir bien me renseigner, d’urgence, sur la suite que cette affaire vous aura paru comporter.
Le Préfet.

Sources : Archives Départementales du Finistère ( Réf : 1 T 69 - Attaques contre l’Enseignement laïque : 1905-1937 )

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EPILOGUE : nous ne connaissons pas la décision du tribunal ; le dossier n’est pas consultable avant 2021.

.. .. .. .. UN NON LIEU ??? .. .. ..

Du côté de l’Autonome de Solidarité, l’affaire a été conclue :

Extraits du registre des comptes-rendus des réunions de bureau et conseils d’administration :

C.A. du 23 Juin 1921 à BREST - p. 124

Mme F. à Plonéis : « Mme F. remercie chaleureusement la « Solidarité » de lui avoir apporté son appui.
Affaire close ».

A.G. du 23 Juillet 1921 (suite) à BREST - p. 131

« Malgré tout, nos nombreuses démarches ne sont pas demeurées vaines. Le maire et son adjoint ont reçu un blâme sévère et notre collègue est laissée tranquille à présent ; nous pensons que ses persécuteurs ne sont pas à la veille de renouveler leurs méfaits.

Comme conclusion de cette affaire nous pouvons dire à nos camarades ; si un jour vous êtes victimes de faits semblables, vous aurez le choix entre deux moyens : polémiquer ou saisir les tribunaux. Si vous optiez pour le premier, il vous serait ensuite difficile de l’abandonner pour le second car on ne manquerait pas de vous dire que vous avez porté le procès devant l’opinion publique et obtenu la satisfaction escomptée. »

Nos remerciements aux membres du bureau de l’Autonome de Solidarité du Finistère qui nous ont transmis le dossier qu’ils avaient eux-mêmes constitué sur cette affaire, dossier que nous avons enrichi.

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