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Affaire de la crèche Baby Loup : quelle (s) réponse (s) ? - Laïcité Aujourd'hui

Affaire de la crèche Baby Loup : quelle (s) réponse (s) ?

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Réunion du 24 avril 2013 ( éléments de réflexion)

Les faits : en 2008, à la crèche Baby Loup de Chanteloup-les-Vignes, une employée de confession musulmane, au retour d’un congé maternité - puis parental - de 5 ans, est licenciée par la directrice pour « faute grave », au motif qu’elle refusait d’ôter son voile islamique dans le cadre de son travail auprès des enfants.

Le règlement intérieur de la crèche prévoyait une obligation de "neutralité philosophique, politique et confessionnelle".

-  Décembre 2008, le conseil des Prud’hommes confirme la décision de la directrice au nom de l’"insubordination caractérisée et répétée" de l’employée.

-  Octobre 2011, la cour d’appel de Versailles valide cette décision : les enfants, "compte tenu de leur jeune âge, n’ont pas à être confrontés à des manifestations ostentatoires d’appartenance religieuse"

- Mars 2013, la cour de cassation annule la décision de la cour d’appel de Versailles au motif que "les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché". « … il se déduisait que la clause du règlement intérieur, instaurant une restriction générale et imprécise, ne répondait pas aux exigences de l’article L. 1321-3 du code du travail et que le licenciement, prononcé pour un motif discriminatoire, était nul,… »

http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/536_19_25762.html

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Une crèche privée peut-elle inscrire le principe de laïcité dans son règlement intérieur ?

Le principe de laïcité peut-il être - doit-il être - étendu à des structures de droit privé ? Si oui, jusqu’où et comment ?

En la circonstance, y a-t-il un vide juridique ?

Que dit le Code du travail ? Doit-il être modifié ou complété ?

Article L 1121-1. Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Par quelle entrée aborder ces questions ?

-  Le principe de laïcité serait-il une exclusivité des institutions publiques. Serait-il inapproprié ailleurs ?

-  L’état ne doit-il pas protection à tout citoyen, en particulier aux enfants, aux jeunes enfants ?

-  Le caractère d’intérêt général peut-il être pris en compte ?

-  Qu’en est-il des obligations découlant d’un financement de l’association gestionnaire de la crèche sur fonds publics ?

Note : il ne s’agit en rien de stigmatiser une religion ou de discriminer certains employés parmi d’autres (même si, une fois de plus, certains se saisissent encore de cette occasion). Rappel : toute loi en France se veut à caractère universel.

Catherine Kintzler analyse ainsi les conséquences de la décision de la cour de cassation : « En France, sous certaines conditions, on a le droit de créer une entreprise à caractère confessionnel, mais on n’a pas le droit, sous les mêmes conditions, de créer une entreprise qui entend faire valoir le principe de neutralité religieuse en son sein. »
Il y a donc rupture d’égalité entre les citoyens pour ce qui est de la liberté d’entreprendre.

« Pourquoi le juge favorise-t-il la liberté individuelle plutôt que la liberté d’association ? Après tout, la seconde a autant d’importance que la première. En déniant le droit d’une association … à vivre selon ses valeurs et ses buts, ne crée-t-on pas une situation tout autant liberticide ? »

Jean Glavany dit croire que, « face au droit actuel, … avec un règlement intérieur de la crèche plus précis, la Cour aurait statué différemment. ». Par ailleurs, il renvoie aux propositions de la commission Stasi (2003) :

4.2.3 Dans les entreprises

Le code du travail protège les droits personnels et les libertés individuelles des salariés. Les restrictions aux libertés autorisées doivent être justifiées par la nature de la tâche et proportionnées au but recherché. Au regard des difficultés que rencontrent certaines entreprises, la commission recommande qu’une disposition législative, prise après concertation avec les partenaires sociaux, permette au chef d’entreprise de réglementer les tenues vestimentaires et le port de signes religieux, pour des impératifs tenant à la sécurité, aux contacts avec la clientèle, à la paix sociale interne.

Note : Dix années plus tard, la pression des religieux est bien plus présente … Et quels critères pour la paix sociale ?


J.M. Quillardet
met en garde quiconque voudrait imposer la laïcité dans toutes les entreprises : d’abord, il serait censuré par le Conseil Constitutionnel comme par la Cour européenne des droits de l’homme ; ensuite il ne ferait que donner des armes à tous ceux qui combattent la laïcité.

Il propose :

• D’étendre la laïcité et en particulier la neutralité confessionnelle à toutes les structures privées de la petite enfance qui sont subventionnées par des collectivités publiques, ou qui reçoivent des délégations de service public ;

• D’autoriser la modification des articles du Code du travail qui interdisent aux règlements intérieurs de prévoir des dispositions concernant les options confessionnelles des salariés et permettre alors aux entreprises d’inscrire dans le règlement intérieur, si elles le souhaitent et uniquement si elles le souhaitent, en accord avec les organisations syndicales, le principe de laïcité.

L’A.D.L.P.F. ( association des libres penseurs de France) « C’est désormais au niveau politique que la lutte doit se poursuivre … La laïcité ne doit pas rester à la porte des crèches »

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Où nous constatons une fois de plus l’importance des mots : intérêt général, service public et mission de service public.

Une crèche privée - et surtout celle-ci dont l’utilité sociale est des plus manifestes (ouverte 24 heures sur 24 , accueillant 54 nationalités et traditions différentes …) - participe à l’intérêt général. Pour autant, son statut ne relève pas du service public ; son activité ne se situe pas dans le cadre d’une mission de service public (c’était le cas de la CPAM qui a connu dans le même temps un cas similaire et où le juge a validé le licenciement au motif que la neutralité du service public est étendue aux entreprises privées dès lors qu’elles sont chargées d’une mission de service public).

Faudrait-il, comme le propose le sénateur Richard créer un « caractère propre » aux crèches à l’image des établissements scolaires confessionnels ? Nous glisserions là vers le mode « Accommodements » et nous connaissons déjà les dérives que la « loi Debré » a permises (voir aussi à ce sujet le rapport Bouchard – Taylor au Québec 2009)

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Protéger la liberté religieuse de l’employée vis-à-vis de son employeur ou protéger l’enfant et sa liberté de conscience ?

Pour le cas présent, revenons à la source : qu’énonce la sourate 33/57 ?

« O Prophète ! Prescris à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants d’abaisser un voile sur leur visage. Il sera la marque de leur vertu et un frein contre les propos des hommes… » .

Est-il nécessaire de rappeler que, dans notre pays, chaque citoyenne, y compris de confession musulmane, est en droit d’effectuer sa propre lecture du texte auquel elle a choisi de se référer pour mener sa propre vie ( Si ce n’est pas le cas, il y a lieu de s’en inquiéter sans tarder et d’en combattre les raisons ) ?

-  Lecture en vue d’une application littérale

-  Lecture-recherche de référent pour une application possible

-  Lecture pour s’approprier la portée symbolique du texte

-  A l’inverse : lecture pour une interprétation à caractère intégriste (de type : toujours davantage de contrainte, de soumission …)

Faut-il aussi rappeler comme le fait Henri Pena-Ruiz : « Aucune liberté, dans le cadre d’un groupe, n’est absolue ». .. « Chaque être humain peut réfléchir sur les conditions dans lesquelles il peut porter ou non une tenue qui manifeste son appartenance. Le nier, c’est s’enfermer dans le fanatisme ».

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« Une loi, oui, mais laquelle ? » titre Jean Glavany dans Marianne.

« Une loi, mais quelle loi ? » titre Jean Michel Quillardet sur son blog.

« Il ne faut pas légiférer dans l’urgence » nuance le ministre de la Ville, dans Le Monde.

Le 17 janvier 2012 a été votée au Sénat une proposition de loi visant à étendre l’obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité. Elle était présentée par Françoise Laborde et a été enregistrée à l’Assemblée nationale le 18 janvier 2012.

Le 16 janvier 2013, le groupe RRDP (Radical, républicain, démocrate et progressiste) a déposé une proposition de loi (Texte n°593). En voici l’article premier :

L’article L. 2324-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa, il est inséré un II ainsi rédigé :

« II. – Lorsqu’ils bénéficient d’une aide financière publique, les établissements et services accueillant des enfants de moins de six ans sont soumis à une obligation de neutralité en matière religieuse.
« Les établissements et services ne bénéficiant pas d’une aide financière publique peuvent apporter certaines restrictions à la liberté d’expression religieuse de leurs salariés au contact d’enfants. Ces restrictions régies par l’article L. 1121-1 du code du travail, figurent dans le règlement intérieur ou, à défaut, dans une note de service.
« Les deux alinéas précédents ne sont pas applicables aux personnes morales de droit privé se prévalant d’un caractère propre porté à la connaissance du public intéressé. Toutefois, lorsqu’elles bénéficient d’une aide financière publique, ces personnes accueillent tous les enfants, sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyances de leurs représentants légaux. Leurs activités assurent le respect de la liberté de conscience des enfants. »

Avril 2013 : avec la réactivation de l’observatoire de la laïcité par le Président de la République, nous pouvons penser que cet organisme sera saisi très prochainement de cette question.

Quels arguments vont être privilégiés ?

Que ressortira-t-il du débat nécessaire ?

-  Une modification du code du travail ?

-  Une suggestion de complément aux règlements intérieurs ?

-  Une incitation à la rédaction de notes de service, …. …. ?

Comment le choix émis pourra-t-il être partagé par tous ?

Le sujet est loin d’être épuisé ... ... ...

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