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Humanisme - Laïcité Aujourd'hui

Humanisme

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A la relecture de l’exposé de B. : "La foi, ma foi chrétienne", ce qui m’est venu à l’esprit, c’est l’idée d’un grand humanisme. …

… et toutes sortes de questions.

Qu’est-ce exactement que l’humanisme ?

En nous revendiquant laïques, ne nous plaçons-nous pas nous-mêmes d’emblée dans un courant humaniste ?

Lorsque nous écrivons l’Homme avec un grand H : que signifie exactement cette majuscule ?

Mais existe-t-il un courant de pensée qui ne se revendique pas de l’humanisme ?

Alors, « humanisme » serait-il un mot-valise, c’est-à-dire un mot où chacun met un petit peu ce qu’il veut, en étant persuadé que celui qui l’entend y met la même chose ?

pour la réunion du 21.04.10

... à partir de nombreux emprunts :-Encyclopédie Universalis. Sites : Ligue de l’enseignement, Renaissance-Amboise, Agora, Hatier ; Textes de Luc Ferry, Michel Thys, Jean-Louis Bischoff* , et en laissant de côté le domaine des arts.

HUMANISME

L’origine du mot

« Humanitas », en latin, désignait « toute chose élevant l’homme à une place à part des autres êtres vivants ». Le terme "humanisme" apparaît, en Allemagne, autour de 1840, dans les travaux de W. K. Ferguson. Il désigne un "mouvement intellectuel associé au réveil des langues et de la littérature anciennes". Les humanistes partent à la redécouverte des valeurs morales et intellectuelles présentes dans les textes anciens, pour les traduire, les éditer, les commenter. Il s’agit pour les premiers d’entre eux de dénoncer l’obscurantisme du Moyen Âge et d’en sortir.

Leur premier objectif : rétablir l’éloquence de façon à bien dire et bien écrire.

Leur programme :

• La sauvegarde les merveilles de l’Antiquité par l’étude des textes et de la civilisation antiques.

• Le culte de l’homme pour ses facultés à créer, son intelligence, sa vivacité, la beauté de son corps.

• L’éloge de la connaissance : l’homme est considéré en parfaite harmonie avec la Nature, car il est fait à son image. Une connaissance encyclopédique doit lui permettre de mieux se connaître lui-même et de combattre les superstitions.

• L’éloge des voyages : être curieux, découvrir les splendeurs du monde.

• La curiosité linguistique : les langues et leur rapport historique, en particulier l’hébreu.

• La question religieuse : le néo-platonisme domine (la croyance en la Providence, en l’immortalité de l’âme, à l’éternel combat de l’esprit et de la chair, la recherche de conciliation entre la science et la foi).

Selon Gilmore (un historien de la Renaissance) l’humanisme naît à la suite de 2 cassures, deux événements qui ont bouleversé l’histoire du monde :

-  1453, la prise de Constantinople par les Turcs, qui achève le processus de désunion entre les deux chrétientés, chrétienté occidentale et chrétienté orientale ;

-  1517, l’apparition de Luther et l’affichage à Wittenberg des 95 articles qui devaient diviser irrémédiablement la chrétienté occidentale…

-  ... avec toutes les conséquences sur les plans les plus divers, religieux, intellectuel, artistique, social, économique.

Selon Henri : en réaction aux horreurs de la grande peste et à l’impuissance des prières en la circonstance.

La diffusion des textes est favorisée par les progrès de l’imprimerie, mais aussi par le développement des villes et des universités, qui deviennent le point de ralliement de nombreux humanistes.

L’humanisme, né en Italie, se propage en premier lieu en Allemagne et en Hollande (Johannes Reuchlin, Erasme...). Dans notre pays, ce sont surtout les guerres d’Italie et François Ier qui ont favorisé son développement.

Une phrase d’un discours de Pic de la Mirandole (1486) donne un aspect de l’idéal humaniste du moment. Il semble découvrir un monde nouveau : « J’ai lu, dans les livres des Arabes, qu’on ne peut rien voir de plus admirable dans le monde que l’homme. ». Cette phrase renvoie évidemment à Protagoras, philosophe grec du 5e siècle avant notre ère (un sophiste) : "l’homme est la mesure de toutes choses".

Un peu plus tard, Montaigne appellera « humanistes » les écrivains du « dire humain » par opposition aux théologiens qui enseignent la parole de Dieu. Leur style d’écriture et de pensée ne doit rien à la foi ; il est d’un autre ordre que celui de la religion, cette séparation ne signifiant d’ailleurs pas contradiction.

Définitions

En 1765, lorsqu’il fut créé, le mot humanisme signifiait : « l’amour général de l’humanité ».

Vers 1875, deux significations figurent dans le dictionnaire le Littré.

1/ les humanistes, c’est l’ensemble des amateurs et des savants qui s’adonnent à la recherche, à l’examen des œuvres grecques et latines. Il s’agit d’un travail de diffusion et de restitution.

2/ l’humanisme, une théorie selon laquelle l’histoire de l’humanité s’explique par l’homme sans recours à une puissance transcendante. L’humanisme affirme que c’est par l’érudition (du verbe latin erudi qui signifie rendre moins grossier, former, façonner), que l’homme s’accomplira pleinement en tant qu’homme. (Humanus en latin signifie d’ailleurs homme policé, civilisé, bienveillant).

Aujourd’hui, dans mon dictionnaire Le Robert : 3 définitions

-  1/ Théorie, doctrine qui prend pour fin la personne humaine et son épanouissement.

-  2/ Mouvement intellectuel européen de la Renaissance, caractérisé par un effort pour relever la dignité de l’esprit humain et le mettre en valeur, et un retour aux sources gréco-latines.

-  3/ Méthode de formation intellectuelle basée sur les humanités, la littérature classique en particulier. Rendre l’homme meilleur, plus juste, en valorisant la vertu et de l’érudition, voilà donc le but ultime de l’humanisme, cet humanisme qui postule que l’homme, par les seules forces qui le font homme (la raison, la volonté, l’éducation) possède les ressources pour s’accomplir pleinement en tant que homme.

Il s’agit d’une pensée optimiste, fondée sur les capacités de l’homme à progresser, et qui tend à développer une recherche de perfection à partir de valeurs : valeurs principalement d’ordre éthique chez les moralistes, les pédagogues et les philosophes, d’ordre esthétique chez les artistes, d’ordre social chez les juristes et les politiques,… (note perso : rien n’interdit à toute personne citoyenne de cumuler l’ensemble).

Prenons un contre exemple : au 18ème siècle, dans la lignée des humanistes, les penseurs des Lumières affirmaient que l’humanité de l’homme est universelle en chaque individu, quelles que soient les différences (origine, milieu) ou les particularismes (nationaux, ethniques). Cette vision fut attaquée au XIXème siècle, car jugée abstraite. A cette époque, seule la nation, l’attachement à la terre, désigne la réalité. Chaque homme fait partie d’une humanité particulière. Au XXème siècle, les représentants du nationalisme et du fascisme reprennent cette idée de "esprit du peuple" ou "issu d’une terre".
Hitler, dans Mein Kampf soutient que l’homme doit chercher son modèle dans un univers dominé par la force : « l’homme ne doit jamais tomber dans l’erreur de croire qu’il est seigneur et maître de la nature… Il sentira dès lors que dans un monde où les planètes et le soleil suivent des trajectoires circulaires, où des lunes tournent autour des planètes, où la force règne partout et seule en maîtresse de la faiblesse, qu’elle contraint à la servir docilement ou qu’elle brise, l’homme ne peut pas relever de lois spéciales ».

L’humanisme et la laïcité

Selon Luc Ferry, l’humanisme constitue un des fondements de la laïcité. Comment permettre à tout homme d’être libre, heureux et épanoui ? Comment arriver à se mettre d’accord sur quelques principes communs pour permettre la cohabitation entre des hommes différents qui tiennent à leurs différences ?
Quels sont donc ces principes ? Les intérêts et le respect de l’homme doivent toujours passer avant les autres. Rappelons-nous que la science, l’art, la religion, le droit sont faits pour l’homme et non l’inverse. L’humanisme considère le droit à la différence comme une source d’enrichissement. L’humanisme moderne est formé de l’apport de nombreuses traditions différentes : philosophie des lumières, christianisme, judaïsme, Grèce antique, islam. Une de ses caractéristiques est d’avoir été capable d’intégrer un ensemble de valeurs et pas seulement quelques-unes d’entre elles. Pour cette raison, et par la priorité qu’il donne à l’homme, l’humanisme a été et est toujours contesté par tous ceux qui prônent une organisation de la société au service d’un groupe, d’une idéologie ou d’une religion qui prétend détenir la Vérité.

L’humanisme et l’école

Les humanistes du XVe et du XVIe siècle ont perçu très vite l’importance de la pédagogie : l’enfant doit désormais être formé d’une manière continue et progressive, de sa naissance à l’âge adulte, et même au-delà, par un maître qualifié. Il doit se dégager petit à petit de l’état de nature, sortir de l’« homme sauvage » et entrer dans le monde de la culture. Le programme n’est pas mince :

-  Education à la liberté de conscience, acquisition de l’esprit critique afin de rendre possible le libre choix des convictions religieuses ou philosophiques, et pour combattre tout conditionnement ou toute récupération.

-  Apprendre à penser par soi-même, à être libre et ouvert au monde.

-  Découvrir et accepter librement les valeurs et les principes.

-  Accéder à l’autonomie et à la responsabilité individuelle.

L’humanisme et la religion

Si l’on revient aux définitions de 1875 du Littré, l’humanisme est un mouvement qui se pose en s’opposant, ou tout au moins en se démarquant délibérément du christianisme. Cependant bien des chrétiens se revendiquent humanistes. Quelle liaison entre humanisme et christianisme ?

Question 1 : les valeurs mises en avant par les évangiles ne sont-elles pas puisées au moins pour partie dans les philosophies grecques et romaines ?

Ce n’est pas par hasard que saint Augustin et saint Jérôme, qui avaient en leur temps réalisé une synthèse harmonieuse entre la culture païenne et l’héritage judéo-chrétien, sans rien perdre de leur propre foi et de leur objectif d’action, aient inspiré non seulement la littérature humaniste, mais la peinture religieuse du temps.

Une anecdote qui appellerait bien des commentaires : à l’un des colloques d’Érasme, un participant s’écrie : « Saint Socrate, priez pour nous ! »

Question 2 : y a-t-il divergence ou convergence entre l’humanisme libertin (détaché de la religion) et l’humanisme chrétien ? L’humanisme n’est-il pas une vision du monde où tout gravite autour de l’homme alors qu’auparavant, en occident, tout gravitait autour de Dieu.

Pour Bischoff*, la réflexion doit passer par l’humanitas (la vérité plénière de l’homme) qui postule une foi dans les ressources naturelles de l’homme. Dès lors la thèse d’un humanisme pouvant réconcilier ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas, peut et doit être entendue. Comment ? En comprenant que l’humanisme libertin comme l’humanisme chrétien affirme que la seule perfection de l’homme réside dans sa perfectibilité, bref que l’homme est un projet toujours inachevé (cf. exposé sur la foi ). Il propose ceci : l’humanisme incite à « une réflexion sur les différents visages de la spiritualité qui pourraient réunir des hommes de bonne volonté soucieux de passer d’une laïcité d’indifférence à une laïcité d’intelligence de… l’autre. N’est ce pas au fond l’un des objectifs que s’assigne l’observatoire de la laïcité ? »

Je terminerai en pointant le lien solide qui existe entre laïcité et humanisme :

L’ IHEU (Union Internationaliste Humaniste et Laïque) l’a reprécisé, en 1993 : "Humanisme et laïcité ont en commun la recherche, pour tous, des moyens de vivre ensemble, quelles que soient leur origine ethnique ou sociale, leurs opinions philosophiques ou religieuses, en respectant la dignité inaliénable de chaque être humain ; en créant pour tous, les moyens d’accéder réellement aux droits essentiels, tels que liberté de conscience et d’opinions, de réunion, d’association et de déplacement, droit à la santé, à la paix, à l’éducation... Il faut chercher ensemble, dans chaque nation, selon son histoire et sa culture, les solutions les mieux adaptées. L’important est de construire partout, par la citoyenneté de chacun, la justice, la démocratie et la solidarité".

L’humanisme demande une réflexion constante sur les valeurs centrales qui contribuent à relier les hommes entre eux.

Ne sommes-nous pas là au cœur de nos travaux ?

* Article : AUTOUR DE LA NOTION D’HUMANISME de Jean-Louis Bischoff, Docteur en philosophie (E.P.H.E-Sorbonne), Professeur au Centre Universitaire Catholique de Bourgogne.

P.B. JPEG

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