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Jean ZAY - Laïcité Aujourd'hui

Jean ZAY

, popularité : 21%

Pour la réunion du 8 avril 2015 par MP. B.

Le 21 février 2014, François Hollande a décidé que Jean Zay entrerait au Panthéon, avec Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, et Pierre Brossolette. Des voix se sont élevées contre cette décision : ce sont celles d’un Comité national d’entente qui rassemble une quarantaine d’associations : parmi elles des associations d’anciens combattants, de médaillés, de blessés de guerre, d’anciens détenus, de militaires en retraite ou de réservistes, l’ Union nationale des combattants, l’amicale de Saint-Cyr Coëquidan .. etc. L’extrême droite y est active.

Qui est Jean ZAY pour susciter une telle polémique ?

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« ITINERAIRE RAPIDE » de l’homme

• Jean Zay est né le 6 août 1904 à Orléans, dans une famille dont le père est de culture juive. Ce dernier est libre penseur, franc-maçon, se marie au temple protestant et opte pour l’enterrement civil. Il dirige un journal radical-socialiste : ( Le Progrès) . La mère, protestante, est institutrice. Le grand père, Michel Zay, fut adhérent de la Ligue des Droits de l’Homme et influença son petit-fils.
Jean Zay est baptisé et se mariera au temple protestant en 1931. Il fut pourtant considéré comme juif au regard de ses opposants, en raison de son grand père juif, (or pour la loi mosaïque, la transmission est matrilinéaire).

• Il opte pour des études de Droit, partage avec Jean Jaurès un parcours brillant d’universitaire boursier. De surcroît, pour payer ses études, il travaille, comme clerc d’avoué et comme secrétaire de rédaction au Progrès du Loiret (journal dirigé par son père, qui deviendra La France du Centre).

A 24 ans, en 1928, il devient avocat au barreau d’Orléans.

• Il sera ensuite élu député de 1932 à 1939, ainsi que conseiller général à partir de 1937.

• Le 20 juin 1944, à 40 ans, « Il tombe sous les balles des miliciens ».

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SON PARCOURS POLITIQUE

• Sans doute sensibilisé par son grand-père, il s’intéresse à la politique très jeune.
Pendant ses études, il adhère aux Jeunesses laïques et républicaines, anime des conférences où il défend les idées laïques et républicaines, le vote des femmes (à partir de 1926). Dès 21 ans, il s’inscrit au Parti radical, adhère à la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, est responsable au sein de la Ligue de l’enseignement où il soutient la création de l’ U.S.E.P., et en 1926, il entre au Grand Orient de France (il a 22 ans).

Jean ZAY est républicain, démocrate, homme de Gauche par conviction.

• Après la guerre de 1914-1918, il est pacifiste, marqué sans doute par l’absence d’un père soldat. En 1924, nait une polémique suite à un poème écrit à 19 ans, dans le cadre d’un « jeu littéraire » entre étudiants, semble-t-il. Ce poème, « Le drapeau », vendu à des milieux d’extrême droite orléanais, refit surface à chaque élection, ce qui lui valut d’être insulté, calomnié.

• Quand Hitler devient chancelier en 1933, il abandonne ses idées pacifistes, devient antifasciste. C’est une période qui voit monter la haine des juifs, des francs-maçons et des conquêtes sociales. Jean Zay souffrira de cet antisémitisme, dès son entrée dans la vie politique.

• En réaction aux tentatives fascistes de 1934-35 (manifestations violentes devant l’assemblée), les Républicains s’unissent au sein du Front Populaire. Jean ZAY est l’un des artisans de cette union.

• C’est un homme qui brille par son éloquence ; il est élu député radical-socialiste du Loiret en 1932, avant ses 28 ans.

• En 1936, il est réélu et devient Sous-Secrétaire d’Etat à la présidence du Conseil (de janvier à juin 1936)

• puis il est nommé ministre de l’Education nationale, des Beaux-Arts, de la Recherche, des Sports et des Loisirs (c’est le Front populaire, IIIè république). Il a 32 ans et sera Ministre de juin 1936 à 1939.* (sous 5 gouvernements successifs).

• Pendant tout son séjour au gouvernement, il adopte une ligne antihitlérienne et fait partie en 1938 des rares antimunichois (un résistant avant l’heure !).

• En Mars 1937, est aussi élu conseiller général du canton d’Orléans Nord Est.

• Il sera le premier condamné politique du régime de Pétain. Sa peine est volontairement la même que celle de Dreyfus (il est considéré comme juif…) : dégradation militaire et déportation à vie (non effective).

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Son action politique en tant que ministre de l’ Education nationale ?
Depuis 1932, ce n’est plus le ministère de l’Instruction publique.

Ses objectifs :

démocratiser l’enseignement afin de former le plus grand nombre d’individus, et pour que les destins scolaires ne soient plus à l’image des destins sociaux. En effet, il voulait que l’école permette aux élèves ayant des capacités, même s’ils étaient d’origine populaire, de faire des études secondaires, s’ils le souhaitaient.

• Pour cela, il met en place un système d’aides sociales aux élèves et de bourses aux étudiants (le montant est multiplié par 2 dès 1936). Les classes primaires des lycées sont transformées en école publique. Il faut savoir que dans les années 30, les lycées étaient payants. (écoles primaires : école du peuple et lycées : écoles des bourgeois)

• Autre objectif : moderniser l’éducation et la culture, et en élever le niveau ; afin de contribuer à l’émancipation des élèves.

Il est dans la continuité de Jules Ferry qui, contrairement à ce qu’on croit, loin de limiter l’enseignement primaire au lire, écrire et compter, voulait en faire un enseignement pleinement ouvert à la culture.

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Sa méthode :

• Il ne réforme pas d’en haut, il fait appel à la base, expérimente, mobilise, puis encadre et réglemente. Comme il procède par expérimentation, généralisation, puis décret et arrêté, circulaires, on trouve peu de grandes lois.

• Il appliqua cette méthode pour réformer la pédagogie en primaire :

• Exemple : il expérimente 3H d’éducation physique dans le primaire dans trois départements dès 1936 ( puis dans 30 départements en 1937), et ceci, en réduisant le nombre d’heures d’enseignement. C’est une idée de Dézarnaulds, qui fut poursuivie par le secrétaire d’État aux sports Léo Lagrange.

• Les résultats scolaires s’améliorent dans les départements testés ! Ce qui fit taire les réactions hostiles. Les mairies sont sollicitées pour construire des salles de sport (cela fait penser aux TAP d’aujourd’hui) .

• Autres exemples de pédagogie active :

◦ les classes promenades (il fit voter des Crédits pour les excursions pédagogiques ) , l’étude du milieu par l’observation active (ce qui fut expérimenté en classe de fin d’études), les activités dirigées, l’utilisation de la radiophonie scolaire.

• Il institue également les « loisirs dirigés » du samedi après-midi. Il initie quantité de méthodes actives (Même Célestin Freinet le complimenta pour son travail).

• A noter qu’il se rend également à l’étranger pour observer les méthodes pédagogiques dans d’autres pays. (Autriche, Yougoslavie, Angleterre, URSS, et aux Pays-Bas, plus longuement en Grèce, en Egypte et aux Etats-Unis )

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Concrètement, quelles sont ses réalisations ? Une multitude de réformes initiées en fort peu de temps : 3 ANNEES !

• Il réforme la formation dans les lycées de jeunes filles et les Ecoles normales primaires  : « le « bachot » mot qu’il emploie dans une lettre à son père, devait être une exigence pour les instituteurs et les institutrices (et non le brevet supérieur).

• Il augmente le nombre de postes d’instituteurs (+5241) et de professeurs (+225).

• Il met en place le paiement des vacances aux suppléants.

• L’obligation scolaire passe de 13 à 14 ans : une loi est votée. Il souhaite que cette classe de fin d’études primaires accueille aussi d’excellents élèves ne souhaitant pas forcément opter pour une scolarité secondaire.

• En 1939, le certificat d’études primaires se passe à 14 ans au lieu de 12 ans auparavant.

• Il a facilité le passage du primaire et du primaire supérieur, vers le secondaire.

• Il impose la limitation à 35 du nombre d’élèves par classe.

• Il développe les équipements scolaires. (bâtiments et c … )

• Il met en place la Rééducation des enfants « arriérés ».

• Avec la médecine préventive, il introduit l’hygiène scolaire.

• Il initie l’ouverture des cantines.

• En 1937 naissent les premières sixièmes d’orientation (avec comme choix : classique, moderne ou technique).

• Il a créé des structures d’information et d’orientation, à l’usage des jeunes et de leurs familles.

Il a toutefois échoué à réformer l’organisation des classes primaire et secondaire (projet de loi non voté avant la guerre).

• Il favorise la création de colonies de vacances, avec la Jeunesse au Plein Air. Toujours la même obsession : démocratiser l’enseignement. Ainsi, il œuvre avec Jean Perrin pour la création de l’ ENA, afin d’ouvrir à tous les jeunes, l’accès aux plus hautes fonctions de l’Etat. « Quel enfant du peuple a-t-il pu jamais être ambassadeur ? » disait-il dans ses discours (le texte fut voté à la Chambre mais était toujours en discussion au Sénat à la veille de la guerre)  ; il rencontra beaucoup de résistances, car il s’attaquait au monopole de l’école libre des sciences politiques. Cette ENA naquit après la guerre.

• Il fonde également la politique de recherche, avec comme secrétaires d’État d’abord Irène Joliot-Curie, puis Jean Perrin ; ainsi naîtra le C.N.R.S. en 1939.

Jean ZAY sera « le Jules Ferry du Front Populaire » (Olivier Loubes.)

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Qu’en est-il de la Laïcité ?

• Dès son arrivée au ministère, il est dénoncé comme un laïque adepte de « l’école sans Dieu ».

• Des circulaires interdisent toute manifestation ostentatoire d’appartenance politique et religieuse à l’école ! Lors du débat de 2003, Emile Poulat reparlera de cette circulaire de 1936 jamais abrogée !

• Sa conviction profonde est que « Les écoles doivent rester l’asile inviolable où les questions des hommes ne pénètrent pas ».

• Chaque élève doit accéder au langage de la raison.

Pour Jean ZAY, l’enseignement public est laïque : « Aucune forme de prosélytisme ne saurait être admise dans les établissements » ; même les sollicitations aux abords des établissements publics sont interdites...

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Les BEAUX ARTS

• Même ambition qu’à l’Education nationale : moderniser et démocratiser.

• Ainsi, il développe la lecture publique (bibliobus).

• Autre pilier dans les réformes qu’il a lancées en 1937 : la réforme des droits d’auteur, (et contrats d’édition). L’écrivain doit rester propriétaire de son texte. Les éditeurs furent virulents contre ce texte de loi qui n’arrivera à l’assemblée qu’en 1939.

Le site de l’Assemblée nationale donne une idée précise de ses actions dans le domaine des Arts et la liste est longue :

Il crée le Musée de l’Homme, le Musée d’Art Moderne, pérennise le palais de la Découverte, qui avait été construit pour l’Exposition Internationale de 1937.

Il réorganise l’enseignement artistique.

• Il se bat contre l’insuffisance des crédits du budget des Beaux-Arts ; son idée : que 1% du montant des commandes de constructions publiques de l’Etat soit consacré à des commandes artistiques. Il demande l’octroi de bourses pour l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts.

• Il crée une Ecole nationale d’arts décoratifs d’Aubusson.

• Il réorganise les Théâtres nationaux ainsi que les musées de province. Il institue la réunion des théâtres lyriques nationaux, qui seraient dirigés par un conseil.

• Il nomme un directeur indépendant à la Comédie Française.

• Il agit pour la Conservation de la maison natale (à Dole) et de la maison paternelle de Pasteur à Arbois ; il œuvre pour la Restitution du pavillon de Flore au musée du Louvre.

• Il réglemente la profession d’architecte.

• Il revoit le Statut du cinéma français.

Il propose même la création d’un festival cinématographique à Cannes (qui verra le jour en 1946) pour contrebalancer celui de la Mostra à Venise créé par Mussolini en 1932, mais la guerre interrompt cette initiative.

• Il agit également pour la mise en œuvre des congés payés avec des collaborateurs comme Jean Cassou.

bref tout ceci en seulement quarante mois ! Ce fut un ministre très actif...

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L’homme engagé dans la guerre

• Il démissionne en septembre 1939, dès le début de la 2nde guerre mondiale, et s’engage dans l’armée (il n’y était pas contraint car ministre ; il deviendra officier).

• En juin 1940, il rejoint Bordeaux (avec l’accord de ses supérieurs militaires) pour participer à une session du Parlement.

• Puis, il embarque pour le Maroc sur le Massilia avec 27 autres parlementaires opposés à l’armistice ( dont P. Mendes France ) (Casablanca). Leur idée : continuer la guerre depuis l’Afrique du Nord ; il s’embarque sur un bateau mis à disposition des Parlementaires par le ministre de la marine, l’Amiral François Darlan, avec le soutien du président de la République, Albert Lebrun ; c’est une manière d’éloigner ceux qui auraient pu voter contre les pleins pouvoirs à Pétain et Laval. Ce fut un piège ! Il est arrêté à Rabat où il a été convoqué au bureau de la garnison. Renvoyé en France, il est emprisonné à Clermont Ferrand pour désertion en présence de l’ennemi.

• Le 4 octobre 1940, il est condamné par le tribunal militaire pour le même motif, après cinq minutes de délibération.

• Le lien entre juif et antipatriote est indéniable dans ce procès. Comme je le disais précédemment, c’est le premier condamné politique du régime de Pétain, il est emprisonné au quartier spécial de la maison d’arrêt de Riom (en Auvergne).

• Il ne cherche pas à s’évader et restera confiant pendant toute cette période ; comme il l’écrit : il « n’est pas un déserteur ; n’a pas à se cacher ou se dérober ». Sa femme et ses filles pourront lui rendre visite pendant sa détention.

• Par cette condamnation, il est privé de tous ses droits civiques et politiques : il est radié de l’ordre des avocats du barreau d’Orléans, déchu de ses mandats de député et de conseiller général. Ses biens sont pillés à Paris et à Orléans.

• Le 21 juin 1944, il est enlevé sur ordre de Darnand, dans sa prison par 4 miliciens, sous le prétexte d’un transfert (note : jamais les miliciens ne font de tels transferts !). Il sera abattu dans un bois le 21 juin ; son corps sera retrouvé au fond d’un puits en 1946 et identifié en 1948 (après l’arrestation d’un de ses assassins).

• La disparition brutale de Jean Zay amène sa femme à demander des informations et une enquête au chef de gouvernement, Pierre Laval. Ce dernier mena son enquête, et découvrit peu à peu la vérité. Cependant, l’assassin fut amnistié en cour de justice après guerre. Le père de Jean Zay mourut de chagrin, en 1945.

• En juillet 1945, la cour d’appel de Riom annule la condamnation de juin 1940 et réhabilite Jean Zay. Mme Zay, quant à elle, obtient réparation morale et matérielle.

• Dans les années 1980, la mémoire républicaine et résistante de J. Zay est reconnue.

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• En 1994, un hommage lui est rendu à Orléans en présence de F. Mitterrand ; cependant il demeurera un « inconnu de la République » ( sous-titre de l’ouvrage d’Olivier Loubes).

• Le 21 février 2014, F. Hollande annonce le transfert de ses cendres au Panthéon (la cérémonie est prévue le 27 mai 2015.)

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SES ECRITS

• Il prend des notes pendant tout son ministère.

• Il écrit pendant ses quatre années de prison : des lettres à sa famille (cryptées), ses amis (Pierre Mendès France) ; des carnets journaliers, des « journaux », des contes, un roman policier et le livre « Souvenirs et solitude ».

Il a résisté en participant aux comptes rendus du procès de Riom, a été en contact avec l’OCM (Organisation civile et militaire), une organisation de résistance.

• En 1945 est publié : « Souvenirs et solitude », recueil de notes écrites pendant sa captivité ; autres publications : Chroniques du grenier, La réforme de l’enseignement, La bague sans doigt.

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En 2005 est créé un prix littéraire français, le prix Jean Zay. Ce prix a été institué par le parti radical de gauche (Baylet) ; son objectif, récompenser des livres promouvant les valeurs républicaines et la laïcité.

Le site de l’ENA évoque le « parcours fulgurant d’un humaniste incarnant le meilleur des valeurs de la IIIe République. Un esprit d’avant-garde dont les projets de réforme dans les domaines de l’éducation et de la culture connaîtront leur véritable application à titre posthume. »

Jean ZAY, un homme « brillant, spirituel, éloquent » ( Mendes France) aura œuvré pour la démocratisation du système scolaire français laïque, comme Jules FERRY aura agi pour sa républicanisation.

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La République lui rendra hommage le 27 mai prochain.

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Dans son édition de juillet 1937, le périodique "La Défense Laïque" écrivait ceci : (cliquer pour agrandir l’image)

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Sources :

Jean Zay entre au Panthéon C. Lelièvre L’Express
Jean Zay au Panthéon par Antoine Prost CNRS
Jean ZAY Roger Karoutchi Olivier Babeau Ramsay
Site Assemblée nationale
Site de l’ENA
Site de l’école maternelle Jean Zay à La Seyne (Var)
Henri Pena-Ruiz (Dictionnaire amoureux de la laïcité) Plon
Le délégué : revue de la fédération des délégués départementaux de l’ Education nationale
Lettre des DDEN mai 2014
Olivier Loubes JEAN ZAY, L’inconnu de la république chez Armand Colin
*LU POUR VOUS Jean Moreau : Ecrits de prison Jean Zay
Jean ZAY Marcel Ruby Corsaire éditions
Cercle d’Etudes de la déportation et de la shoah ; amicale d’Auschwitz. Marie Paule Hervieu, septembre 2013

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