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L'émergence du doute - Laïcité Aujourd'hui

L’émergence du doute

, popularité : 16%

Comment l’ Eglise a-t-elle réagi au fur et à mesure que la science progressait, à partir de la fin du Moyen Age ?

Ou, comment la raison a fini par se frayer une place dans le champ de la pensée ...

ANSELME (St) (1033 - 1109) :

Il fut l’un des premiers à faire dialoguer la logique et la foi. La raison doit avoir une place dans le champ de la foi, estime-t-il. Essayer de comprendre ce que l’on croit, voilà son idée. Pour l’époque, la démarche est toute nouvelle.

Il pose comme définition de Dieu : l’idée d’un être « tel qu’il est impossible d’en penser un plus grand ».

Une idée, c’est quelque chose de pensé, qui se trouve effectivement dans l’intelligence ou dans l’esprit de l’homme. Cette idée a donc une existence.

( Confusion entre essence et existence, selon Th. D’Aquin.)

THOMAS D’AQUIN (St) (1228 - 1274)

C’est un homme qui a marqué son temps.

Son œuvre fut de réaliser, avec ce qui avait été rapporté par les croisades, une vaste synthèse de ce qui avait fait débat avant lui dans la pensée occidentale. Lui aussi tente d’articuler la raison et la foi. Pour lui, la philosophie est du domaine de la raison, le monde une création de Dieu ; mais il pose la foi comme première ; il est donc de toutes façons impossible qu’une quelconque découverte soit en conflit avec la révélation religieuse.
Thomas d’Aquin établit les bases , les preuves (- inspirées d’Aristote, Avicenne et Averroès, Maimonide ...) de l’existence de Dieu : les 5 voies

La première ( inspirée d’Aristote ) conclut à l’existence d’un « premier moteur » qui a mis tout en mouvement.

La deuxième part des causes et des effets pour conclure à l’existence d’une cause première.

La troisième raisonne à partir de l’expérience de ce qui est possible et postule l’existence d’un être nécessaire en soi, qui rend nécessaires tous les possibles .

La quatrième insiste sur les divers degrés de perfection dans l’être, qui ne peuvent se mesurer que par rapport à un maximum de perfection possible, un être « que nous nommons Dieu ».

La cinquième raisonne plutôt en termes de finalité : les choses ne sont pas soumises au hasard, elles sont orientées et concourent vers un but ; ne pouvant se diriger par elles mêmes, elles dépendent donc d’un être intelligent qui les amènent à leur fin.

Des siècles durant, ces preuves ont joui des faveurs de la théologie. Elles servent probablement encore de support à bien des croyants.

COPERNIC (1473 - 1543 )

Ayant mis en évidence que la terre tourne sur elle-même et autour du soleil, il n’osa jamais l’affirmer comme vérité scientifique ; il évitait le conflit en avançant que c’était seulement une hypothèse. Il ne la publia qu’en 1543 qui fut l’année de sa mort, en prenant la précaution de dédier son livre au pape.
« Tu as fixé la terre immobile et ferme » dit le psaume 93. Copernic venait contredire ce que l’ Eglise avait enseigné pendant mille ans. Sa théorie fut condamnée au cours du siècle suivant par les catholiques comme par les protestants.

« Qui se hasardera à placer l’autorité de Copernic au-dessus de celle du St Esprit ? » lançait Calvin.

 Nous retrouvons là la question de l’autorité, et derrière elle, la question du pouvoir... L’ordre établi se trouvait menacé : en effet, si sa théorie était exacte, les sages de l’antiquité, la Bible, l’ Eglise, les autorités les plus respectées avaient tort. Et si elles avaient tort sur ce point, elles pouvaient également s’être trompées sur d’autres.

Gros danger ! donc riposte : si aucune autorité ne pouvait être acceptée sans examen critique, cela devait aussi s’appliquer à Copernic lui-même. A sa suite, 2 astronomes se lancèrent dans des mesures similaires, en cherchant à les étendre et à les rendre les plus précises possibles : Tycho Brahé (1546 - 1601), puis Kepler (1580 - 1630). Ils mirent en évidence que Copernic avaient tort sur plusieurs points : le mouvement des planètes est elliptique et non circulaire, leur vitesse varie selon leur position sur l’orbite.

Le fait que Copernic était pris en défaut aurait pu réjouir les autorités religieuses, mais c’est évidemment l’inverse qui se produisit ; en effet, du même coup, et une nouvelle fois, les conceptions séculaires se trouvaient bouleversées, et avec elles, le pouvoir des autorités.

GALILEE (1564 - 1642 )

Galilée, dans une lettre à son disciple, aborda de manière directe les rapports de la science et de la religion, affirmant que, dans le domaine des phénomènes physiques, l’Écriture sainte n’a pas de juridiction.

La diffusion de cette lettre fit polémique. Des prédicateurs stigmatisèrent en chaire les idées nouvelles.

Au début de 1615, un autre religieux du parti copernicien, le père Foscarini, crut bien faire en publiant une brochure pour montrer que la théorie héliocentrique pouvait être interprétée dans le cadre des Ecritures. C’était déjà trop tard : une plainte contre Galilée avait été déposée au Saint-Office. Le cardinal Bellarmin, personnage important de la Curie romaine, favorable à Galilée, essaya d’enrayer le développement de l’affaire : il écrivit au père Foscarini une lettre quasi publique où, tout en reconnaissant l’intérêt pratique, pour le calcul astronomique, du système de Copernic, il déclarait formellement imprudent de l’ériger en vérité physique.

Poussé par quelques amis, Galilée diffusa à son tour une lettre où il disait ceci : « l’intention du Saint-Esprit est de nous enseigner comment on doit aller au ciel, et non comment va le ciel ».

Il fut le premier à entrer en conflit direct avec les autorités. L’Inquisition le condamna officieusement le 3 mars 1616 ; son œuvre fut mise à l’Index. Son prestige et ses relations avaient évité que Galilée fût mentionné dans les attendus du décret, mais on l’informa officiellement de la nécessité de s’abstenir désormais de toute discussion concernant le système du monde.

Malgré la précarité de sa situation, il avait proclamé le principe selon lequel le pouvoir et l’autorité, y compris ceux de la religion chrétienne, ne devaient intervenir dans la recherche de la vérité scientifique. « Ne vous en mêlez pas » tel était le message qu’il adressait aux autorités.

La lente, mais inéluctable, diffusion de ce principe allait apporter des changements révolutionnaires dans la vie intellectuelle et sociale de l’Europe.

Condamné à nouveau, officiellement cette fois, le 22 juin 1633, Galilée ne connaîtra jusqu’à sa mort que des résidences surveillées. Pourtant il ne faisait que répéter des idées vieilles d’un siècle. Elles faillirent lui coûter la vie ... et il dut se rétracter, mais en quittant la table où il venait de signer sa rétractation, il murmura entre ses dents : « et pourtant elle tourne. »

En militant pour les droits de la raison et de l’expérience face aux dogmatismes philosophiques, il a ouvert l’ère de la science positive.

Le concile Vatican I (1869-1870) reconnaîtra que Galilée a incarné l’optimisme catholique concernant l’usage des facultés rationnelles.

Le 31 octobre 1992, le pape Jean-Paul II, le réhabilitera.

GIORDANO BRUNO (1548 - 1600 )

Dominicain qui quitta son ordre après 2 procès et qui se convertit au calvinisme en 1576.

Bruno fut un grand savant, martyrisé par l’Église non pas pour ses hérésies religieuses, mais pour sa défense de l’héliocentrisme copernicien et pour ses recherches d’une philosophie de l’infini, notamment les rapports entre l’infinité de l’Univers et l’infinité de Dieu. Malgré certaines formes d’ésotérisme, Bruno est toujours resté très attaché à la rationalité.

Les documents de l’Inquisition relatent ceci : c’est Bruno qui parle devant le Grand Inquisiteur de Venise : « Le contenu de tous mes livres en général est philosophique et [...] j’y ai toujours parlé en philosophe, suivant la lumière naturelle, sans me préoccuper de ce que la foi nous commande d’admettre. »

Livré le 23 mai 1592, Bruno passa les dernières années de sa vie dans les cachots de l’Inquisition romaine qui avait obtenu son extradition. Soumis à d’interminables interrogatoires et à la torture, il fut condamné à mort le 8 février 1600, en tant qu’« hérétique impénitent, opiniâtre et obstiné ».

Le 17 février 1600, alors qu’on lui avait arraché la langue pour les « affreuses paroles qu’il avait proférées », il fut conduit au Campo dei Fiori et y fut brûlé vif.

NEWTON (1642 - 1727)

Ses recherches, appelées « philosophie naturelle », pour comprendre le fonctionnement de la nature, confirmaient, 200 ans plus tard, l’idée de Pythagore selon laquelle l’univers matériel tout entier était susceptible d’être expliqué au moyen du langage mathématique.

2 vers du poète Alexander POPE :

La Nature et ses lois sont cachées dans la nuit

Dieu dit : Que Newton soit ! Et le jour resplendit.

Toutes ces avancées successives transformèrent les formes de pensée traditionnelles. L’idée se répandit que, en matière de vérité, la tradition formait un obstacle, et que l’autorité n’y avait aucune place. A la fin du Moyen Age, une affirmation : "Telle chose est vraie" ne renvoyait plus à : « Quelle autorité a dit cela », mais à ceci : « Quels témoignages, quelles preuves me fournissez vous ? ».

Du coup, l’ Eglise catholique perdit le contrôle sur la vie culturelle et intellectuelle en Europe. L’homme, confronté au doute, devait désormais affronter seul son destin.

 Si nous regardons autour de nous, pouvons-nous affirmer que nous sommes entièrement dégagés de ces modes de pensée ancestraux ?

Les médias n’en jouent-ils pas encore souvent en invitant des hommes réputés pour leurs connaissances dans un certain domaine et en les questionnant sur d’autres ?

BP pour la réunion du 12.04.04

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Source principale : Encyclopédie Universalis

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