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L’universalité de la laïcité - Laïcité Aujourd'hui

L’universalité de la laïcité

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La laïcité est-elle une spécificité française ? Ou bien a-t-elle une dimension universelle ?

Pour la réunion du 4 mai 2011, par BP

L’universalité : c’est ce qui vaut pour tous les hommes, de tous temps, comme en un lieu et à moment donné.

Émile POULAT (conclusion de l’article Laïcité encyclopédie universalis)

Un tour du monde montre que bien des États contemporains sont encore loin d’une conception laïque et se montrent inégalement avancés sur cette voie. Par ailleurs, bien des États dont le caractère séculier est incontestable ne sont pas disposés à se dire « laïques ».

Et, surtout, le rapport des cent soixante-dix États à Dieu et à la religion donne lieu aujourd’hui à toutes les combinaisons pensables. Le véritable problème semble plutôt à formuler autrement, en deux propositions : comment, dans chaque pays, sont assurées les libertés publiques de conscience, de religion et d’expression ? Comment, dans les relations internationales, s’harmonisent tant de variétés ? La première question est loin de susciter une réponse universelle satisfaisante. La seconde question montre que, dans les enceintes internationales, c’est la sécularisation qui donne le ton.

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Henri PENA-RUIZ :

« Les adversaires de la laïcité soulignent comme à plaisir que la laïcité serait une réalité française comme le Beaujolais ou le steak frites. Je m’inscris en faux contre cette idée que la laïcité française serait une laïcité particulière. »

Ces mêmes adversaires ont tenté de relativiser la laïcité en lui adjoignant des adjectifs, ils affirment aussi que le mot est intraduisible, que sur ce concept la France est bien isolée, qu’il date d’une période révolue et qu’il ne concerne que ceux qui s’en réclament…

1/ Le terme laïcité serait intraduisible. « J’ai fait en Namibie, pays qui fut sous domination anglosaxonne, une conférence sur la laïcité et j’utilisais à chaque fois le concept de « secularism » ( ils ne connaissent pas le mot laïcité). J’ai constaté que quand je disais : « la sécularisation laïque c’est : la liberté de conscience, l’égalité des croyants, des athées et des agnostiques, et l’universalité de la loi commune », ils comprenaient parfaitement ce que ça voulait dire. C’est à dire que les principes qui définissent la laïcité ne sont pas liés au terroir de la République Française. ». HPR prend aussi pour exemple une rencontre avec Bronislaw Geremek, l’homme politique polonais, où il développe en particulier que la laïcité n’est pas l’athéisme. La laïcité n’est pas relative à une culture.

2/ la France serait seule à adopter cette notion qu’est laïcité. « Au Danemark, j’ai fait une conférence sur la Laïcité, devant des universitaires danois, professeurs de français et de littérature française. A la fin de la conférence, un homme vient me voir, très distingué, et il me dit : « Monsieur, c’est la France qui a raison. » Je le regarde et je lui dis : « Pourquoi dites vous cela ? ». Il dit : « Parce que regardez, moi, je suis catholique. Et ici c’est l’Église luthérienne qui est privilégiée et Église d’État... Et nous, les catholiques, nous sommes des citoyens de seconde zone. Donc je pense qu’il vaudrait mieux que l’Église luthérienne soit séparée de l’État, comme l’Église catholique a été séparée de l’État français. Et comme ça, tous les citoyens danois seraient sur le même pied d’égalité ».
Je lui fis remarquer que la position des catholiques en pays protestant officiel avec une religion d’état, est exactement en symétrie inversée par rapport à la position des protestants jadis dans les pays catholiques et qu’il est quand même étrange que les tenants d’une religion soient pour la laïcité quand ils sont dominés et contre la laïcité quand ils sont dominants.

Ça veut dire une chose : la laïcité, c’est l’idéal des dominés. Il ne m’en faut pas plus pour considérer que la laïcité est juste. » Quelle est au fond la demande de ce danois ? Qu’aucune option spirituelle ne prenne l’ascendant sur une autre.

L’État doit se placer au-dessus des particularismes, de telle façon que ces particularismes puissent coexister dans la liberté et l’égalité. »

En regard de ce qui s’est passé en Suède et en Espagne, peut être bientôt en Islande, - et aussi des requêtes qui arrivent tous les jours de Tunisie sur ce site -, le modèle laïque français fait exemple pour beaucoup de peuples. Donc nous ne sommes pas si seuls. La France, faut-il le rappeler, était seule en 1789 contre toutes les monarchies coalisées d’Europe. Sa solitude ne lui donnait pas tort.

3/La laïcité, c’est du passé : « Elle ne vaut que pour une époque et pour un temps », lui disait l’évêque d’Angoulême. Réponse d’H. Pena Ruiz : « Écoutez, Monseigneur, ou Monsieur l’Évêque, vous êtes capable de reconnaître que certains principes sont nés en un temps et en un lieu, mais qu’ils peuvent valoir pour d’autres temps et pour d’autres lieux, puisque vous l’admettez pour la loi d’amour du Christ : « Aime ton prochain comme toi-même ». Pourquoi ne feriez vous pas le même raisonnement à propos de la laïcité ? »

4/ Ne pas mêler origine historique et portée universelle.
« Est‐il juste que dans un pays, on vive selon les trois principes de : liberté de conscience, égalité de tous sans distinction d’option spirituelle et universalité de la loi commune ? Là ce sont les citoyens qui jugent et qui décident. S’ils disent : « Oui, c’est bien de vivre dans un pays qui est organisé comme ça ». Après, il importe peu de savoir si la France était le premier pays à le reconnaître.

En un temps et en un lieu, la France, on découvrit un jour, qu’il était finalement bien mieux pour les Hommes, plutôt que de s’entre déchirer à cause de leur religion, de vivre dans une république neutre qui ne serait ni athée, ni religieuse, Marianne séparée de Dieu, et que dans cette république, on assurerait à tous la liberté de conscience et l’égalité de droit, et la loi commune ne s’occuperait que de leur intérêt commun à tous. Dites-moi en quoi ces trois principes sont liés historiquement et géographiquement au paysage de la France et à une époque historique ? ». Ces principes sont-ils justes ? Là est la seule question.

« Taslima Nasreen, femme écrivain, qui se bat au péril de sa vie au Bangladesh, pour la laïcité contre l’imposition d’une religion, contre l’assignation de la femme au second rôle, Taslima Nasreen que j’ai rencontrée un jour, une grande femme, au sens moral du terme, me disait : « La laïcité ce n’est pas pour la France, c’est pour le monde ».

Donc voyez, moi, j’ai le sentiment que la laïcité est universelle, qu’elle est fondée en raison, qu’elle est fondée en droit et qu’elle est d’une grande valeur… »

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B. BEREST (notes de conf. Déc. 2005)

La question de l’universalité :
Les valeurs occidentales sont considérées par beaucoup comme universelles ; mais quelle en est la liste exacte ?
Il faut ajouter à cela que chaque région vit ces valeurs à sa manière propre.

Notez l’attitude idiote de nombreux occidentaux qui traduisent au moins par leur manière d’être, et où qu’ils soient, leur sentiment de savoir mieux que les autochtones, et de savoir pour eux… ou, qui, au contraire, font comme s’il n’y avait rien d’universel et qui nient tout dans ce sens.

Quelle voie choisir ? Débattre, se confronter pour dégager ce qui sera universel, en permettant des formes d’application différentes.
L’idée de fond de la laïcité est universelle.

Pierre HAYAT , prof de philosophie

L’universalité laïque dans la société civile signifie d’abord que tous les individus, qu’ils soient croyants, athées ou agnostiques, ont vocation à participer à la détermination des normes sociales. Mais l’acceptation de cette universalité ne va pas de soi. Ainsi, Jean-Paul II ne reconnaissait-il qu’aux seuls croyants la légitimité de promouvoir les normes morales et culturelles de nos sociétés...

Robert ALBAREDES

Le principe d’universalité fait que seule prime la loi commune élaborée par tous pour rendre à tous ce qui est juste et bon pour tous. Ainsi l’espace laïque écarte-t-il la notion de « sujets » comme celle de « croyants » ou de « consommateurs » pour n’appréhender que celle de « citoyens » à égalité de droits et de devoirs. Aucun particularisme ne peut s’imposer à un autre ou fonder une hégémonie quelconque, aucune culture ne peut primer, aucun repli dans sa différence ne peut dominer le tout mais chacun peut épanouir sa différence dans l’espace commun en équilibre et en concorde avec tous... Ce principe d’universalité s’articule, juridiquement, à la distinction entre « privé » et « public »……

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Anicet LE PORS

La charte des Nations Unies ne mentionne pas expressément le principe de laïcité, mais elle bannit toute discrimination fondée sur la race, le sexe, la langue ou la religion et fonde la coopération internationale en son article 55 sur « le respect universel et effectif des Droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous ».
Il reste toutefois, qu’à l’évidence, la laïcité serait de nature à créer les conditions de résolution de nombreux conflits dans le monde (Balkans, Moyen-Orient, Afrique, etc.). C’est donc aussi un enjeu important de la mondialisation.

Gabriel GALICE Directeur du GIPRI (Institut International de Recherches pour la Paix à Genève)

« Universalité : Ma définition de la laïcité reprend celle d’Henri Pena-Ruiz : « La laïcité est donc une organisation assurant l’unité du peuple pour la loi commune fondée sur la liberté et l’égalité de tous. Elle se définit par trois préoccupations indissociables : réaliser l’autonomie intellectuelle de chacun ; assurer l’égalité de tous dans tous les registres : juridique, politique, éthique, symbolique ; promouvoir par les institutions publiques le seul intérêt commun. Attachée à la stricte séparation du privé et du public, pour un réel respect de chacun, elle met en place les conditions juridiques et sociales d’une liberté authentique, partagée par tous. ». Je trouve restrictifs les quatre registres répertoriés. J’y ajouterais volontiers le social, ou socio-économique.

« Oser savoir » (sapere aude de Kant) est une attitude commune à la démarche scientifique et à la pratique de la laïcité. « Savoir » n’est pas « croire ». Toute conviction comporte une dose de croyance, mais une dose seulement. Quand la croyance envahit la pensée individuelle ou collective, elle finit par envahir la vie réelle. Faire croire est le maître-mot des oligarques qui sont des va-t-en-guerre. Nous y opposer, c’est oser savoir et le faire savoir…

… La laïcité, c’est la raison, le doute et le dialogue. »

Universelle, la laïcité ?

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Les débats ont porté sur la différence entre sécularisation d’une société et laïcité.

Des témoignages directs de ce qui se passe actuellement en Tunisie (constituante) les ont également nourris, en particulier le rôle des femmes en la circonstance.

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