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Laïcité et spiritualité - Laïcité Aujourd'hui

Laïcité et spiritualité

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Pour la réunion du par M.D.

Spiritualité et laïcité

Pourquoi ce sujet ?

• Parce que, dans les pays occidentaux, nous sommes tellement habitués à rattacher la spiritualité à la religion, - tant, il faut le dire, l’emprise des religions sur la spiritualité est grande - que, la tendance, même au sein des mouvements laïques, est d’évacuer purement et simplement un sujet qui met « mal à l’aise ».

• Il n’y a pas que la spiritualité qui soit spontanément rattachée à la religion par un nombre important de personnes : on pourrait dire la même chose de la morale, de l’éthique, d’ailleurs, le président Sarkozy s’en est fait l’illustration il n’y a pas si longtemps et on a pu lire dans les journaux, que pour la révision de la loi bioéthique, tous les mouvements religieux ont été consultés... Quid des autres ?

• Cependant, les réponses pour ce qui concerne la morale et l’éthique, si elles ne viennent pas toujours spontanément à l’esprit du plus grand nombre, existent ; nous ne manquons pas de références Jaurès, Ferry,..

C’est moins évident pour la spiritualité, bien que plusieurs philosophes essaient de se faire entendre sur le sujet depuis quelques années : Onfray, Comte Sponville et même... Luc ferry.

La 1ère question à se poser est celle de la pertinence de l’association spiritualité, laïcité ;

• A la fin du XIXème siècle, le ministre Jules FERRY, se proposait d’ « établir une spiritualité laïque, fondée sur un idéal moral, sans dogme et sans prêtres ».

Julien SAIMAN : La laïcité est un concept de philosophie politique, il pose la séparation de l’Eglise et de l’ Etat, ce qui veut dire que le droit et l’organisation de la cité sont possibles sans référence à quelque croyance religieuse que ce soit et que les croyances sont d’ordre privé.

L’Etat, neutre ne doit imposer aucune forme de croyance ou d’incroyance. Cette neutralité n’implique donc pas que les individus remplacent une croyance par une autre, mais qu’ils prennent du recul par rapport à leurs croyances. Autrement dit, la laïcité prend tout son sens dans le projet des Lumières, de faire accéder l’humanité à la majorité, c’est-à-dire à l’indépendance à l’égard de toute tutelle intellectuelle, politique et morale grâce à l’exercice critique de la raison. La laïcité vise donc à assurer pour tous, les meilleures conditions d’un développement spirituel et moral, dans le plus strict respect des libertés fondamentales que sont la liberté de conscience et la liberté de penser.

• Qu’est-ce que la spiritualité ?

La « spiritualité » n’est pas une notion du monde antique classique, du monde gréco-latin. Le mot apparaît dans la langue ecclésiastique, au XIIIème siècle, époque du renouveau des ordres monastiques. Il traduit le latin d’église « spiritualitas », lui-même dérivé de « spiritus », l’esprit. Un rapprochement étymologique doit également être effectué avec « pneuma » qui signifie « souffle ». Or, les clercs ayant eu très tôt et très longtemps, le quasi monopole de l’usage de l’écriture, le terme de spiritualité a d’abord désigné le caractère religieux, puis, plus tard seulement, le caractère opposé à la matérialité.

Longtemps, donc, « spirituel » ne s’est employé que dans le domaine religieux et théologique, qualifiant l’âme en tant qu’émanation et reflet d’un principe supérieur à l’homme, opposant l’âme, immortelle et le corps, mortel, source d’envies et de débauche. Les penseurs chrétiens vont jusqu’à ramener toutes les manifestations de l’esprit dans le champ de la spiritualité. Bossuet écrit au XVIIème siècle : « La spiritualité commence en l’homme où la lumière de l’intelligence et de la réflexion commence à poindre ». L’idée est alors bien répandue, qu’il ne saurait y avoir de lumière de l’intelligence hors du champ religieux et sans croyance dans le dieu unique. Ainsi, en apportant une vérité révélée, les religions instituées ont canalisé la réflexion spirituelle de l’homme en offrant une réponse toute faite et rassurante à ses interrogations fondamentales et à ses angoisses.

Pourtant, dans l’histoire de l’humanité, le fait spirituel est bien antérieur aux religions :

L’homme ne se limite pas à une machine biologique. Il y a parallèlement à son évolution, émergence de la pensée et du questionnement. Dès que ses besoins vitaux et organiques sont satisfaits, un questionnement existentiel l’envahit à propos de ses origines, son vécu, ses souffrances et la mort. Il y répond par différentes voies : rites, culte des morts, sépultures...

Mais lorsqu’il se penche sur sa propre finitude, que peut-il trouver pour la conjurer ? Une réponse collective : la perpétuation de l’espèce, de la tribu, de la lignée, de la famille à travers les enfants. S’il va plus loin, il peut se dépasser, aller au-delà de soi grâce à l’œuvre créatrice, par le contact avec ses semblables, dans le partage des idées. (cf la définition de H. Pena-Ruiz)

N’est-ce pas cela qui a poussé nos ancêtres néandertaliens, puis leurs cousins Homo Sapiens à reproduire la nature sur la paroi des cavernes, premiers lieux de culte et d’initiation d’où naîtra le sacré ?

Antérieurement à l’écriture et aux religions, la spiritualité, aspiration à s’élever au-dessus du corps et de la matière périssable, s’est manifestée dans le recours au symbolisme. Ainsi, les hommes se sont-ils raconté des histoires, les exploits de leurs ancêtres mythiques, avant de pouvoir écrire ce qu’ils pensaient être leur Histoire. Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Que devenons-nous ? Ils se sont attribué une place éminente dans le cosmos, se référant à des constructions intellectuelles symboliques, avec des mythes, des dieux...

Le petit Robert donne comme définition de la spiritualité, en premier lieu « ce qui est séparé de la matière », en second lieu, « l’ensemble des croyances et pratiques qui concernent la vie spirituelle » :
Doit-on en conclure, demande Julien Saiman, que toute pratique spirituelle suppose la croyance en l’existence d’un esprit séparé du corps ? Cela est peut-être vrai de la spiritualité chrétienne, mais pas du Bouddhisme Zen par exemple. Pour ce qui est de la nécessité de la pratique, les choses se compliquent lorsque l’on tient en compte que certaines de ces pratiques peuvent elles-mêmes consister en la mise entre parenthèses de toute forme de croyance, concept ou d’ailleurs image (méditation). Notons également que les mystiques qui appliquent la forme la plus poussée de la spiritualité, sont très souvent apparus comme des hérétiques aux yeux des orthodoxes des diverses religions, parce que leur expérience intérieure les a amené à dépasser les interprétations des théologiens officiels.

Il apparaît donc que les composantes essentielles de la spiritualité ne permettent pas de l’enfermer dans les limites étroites d’un catéchisme.
En d’autres termes, comme le prône la philosophie laïque, la liberté est consubstantielle à la spiritualité.

La spiritualité est un mouvement de l’esprit, une recherche du sens de la vie et de la mort par questionnement incessant sur soi et sur ce qui nous entoure. Ce principe du doute est essentiel car prétendre avoir trouvé, s’attacher à un dogme, n’est-ce pas sombrer de nouveau dans la matière ?

Travail de l’esprit sur l’esprit, la spiritualité est l’exercice d’une responsabilité individuelle de l’ordre de l’éthique (science de la morale, art de diriger sa conduite), de la morale ( science du Bien et du mal, théorie de l’action humaine en tant qu’elle est soumise au devoir et a pour but le bien), et au-delà, qui conduit chacun à s’efforcer de s’améliorer, ce qui correspond bien à la philosophie laïque.

La spiritualité permet à l’homme de s’élever au-dessus de tout ce qui l’empêche de penser librement, de dépasser le moi partiel et partial , les préjugés et les passions, pour aller vers une perspective universelle : « Nul n’est prisonnier que de soi, de ses habitudes, de ses frustrations, de ses rôles, de ses refus, de son mental, de son idéologie, de son passé, de ses peurs, de ses espérances, de ses jugements.. Lorsque tout cela disparaît, il n’y a plus de prison, ni de prisonnier : il n’y plus que la vérité, sans sujet et sans maître » (A. Comte Sponville).

La spiritualité est quête d’harmonie et de paix en soi et avec autrui. C’est, en dehors des religions instituées, le postulat que l’on trouve en l’homme une capacité à saisir « la transcendance » qui ne s’appuie sur aucune révélation. Ce que d’aucuns résument en évoquant un lien du soi au Tout, que d’autres décrivent comme « transcendance horizontale » de l’homme vers les autres hommes, de l’homme qui à force de travail sur soi, s’est libéré de son égo, et après s’être construit ou reconstruit du dedans par la recherche et le questionnement, se dégage de la vie intérieure, pour cheminer dehors, parmi les autres, au sein d’un univers dont il se sait partie intégrante pour un moment d’éternité , « La pensée ne doit pas avoir d’autre chez-soi que tout l’univers, dit le philosophe Alain ; c’est là seulement qu’elle est libre et vraie. Hors de soi ! Au-dehors ! Le salut est dans la vérité et dans l’être ». L’introspection doit conduire à la spiritualité, mais la spiritualité est le contraire de l’introspection. C’est le monde qui contient tous les rêves, y compris celui de Dieu, mais on n’y accède qu’à condition de s’éveiller..., c’est-à-dire de se libérer de soi. La Spiritualité, ce n’est pas l’esprit qui descend, mais l’esprit qui s’ouvre, la « pensée élargie »...

Les exemples de spiritualité en dehors des églises ne manquent pas : chez les penseurs, les philosophes, les scientifiques, les artistes ... En particulier, toute la tradition philosophique illustre, de fait, une aventure de l’esprit humain distincte de la croyance religieuse et qui la fait apparaître comme une des déclinaisons de la spiritualité.

Rien ne saurait dès lors, opposer athéisme et spiritualité, voire athéisme et mysticisme, comme on peut l’observer en Orient. Quand l’égo n’est plus là, il reste la conscience ouverte à la vie, ici et maintenant, au réel, à tout, et le corps pour éprouver le simple bonheur de vivre en harmonie avec l’univers qui me contient, d’être vivant tout simplement...

Ecoutons Rousseau : « la nature commande à tout animal et la bête obéit. L’homme éprouve la même impression, mais il se reconnaît libre d’acquiescer ou de résister ; et c’est surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme ; car la physique explique en quelque matière le mécanisme des sens et la formation des idées, mais dans la puissance de vouloir ou plutôt de choisir, et dans le sentiment de cette puissance, on ne trouve que des actes purement spirituels, dont on n’explique rien par les lois de la mécanique ». De l’inégalité parmi les hommes.

La spiritualité ne serait-elle pas d’abord, de se connaître comme esprit conscient ici et maintenant, sans référence à aucune croyance, aucune identification ? demande Julien Saiman.

Si tel est le cas, ne faudrait-il pas distinguer spiritualité et religion, considérer la religion comme une forme possible de spiritualité ? Par contre, exclure du champ de la spiritualité tout fondamentalisme, tout intégrisme qui asservissent l’être humain et participent de ce fait de l’obscurantisme.

Ne peut-on même aller plus loin et affirmer que la spiritualité ne peut qu’être laïque, en ce que, comme la laïcité, elle est « ouverte » sur le monde, non exclusive et qu’elle n’a pas plus que la laïcité, besoin d’être qualifiée ?

Parce que c’est une démarche volontaire, commune à tous ceux, croyants, agnostiques ou athées qui se sachant perfectibles et désirant progresser dans l’accomplissement de leur humanité, s’engagent dans la quête du sens et de la connaissance de soi (qui mène selon Socrate à celle de l’univers et des dieux).

La spiritualité est une démarche qui questionne et dépasse les certitudes, qui se moque des querelles idéologiques ou religieuses. Elle est recherche et action. C’est une démarche exigeante qui demande une ouverture totale de l’esprit, une perpétuelle mise à jour de nos connaissances, un recours permanent au bon sens et à la raison afin de ne pas sombrer dans l’idolâtrie, de ne pas céder aux fausses vérités... Enfin, elle a pour exigence absolue de penser par soi-même et de mener des actions justes dans un constant souci de l’intérêt général (hommes, nature, planète...).

L’essor de la spiritualité apparaît donc comme un défi décisif pour le destin de l’humanité.

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