Pour la réunion du 23 avril 08 :
Résumé d’une conférence de JP Villain*, directeur général de la Mission Laïque
Une analyse, un point de vue bien différent de nos débats franco-français...
Niveau 0 : les contresens
Chaque fois que la laïcité est assimilée à un dogme ou à l’athéisme, le malentendu est total. Elle apparaît alors comme une atteinte à la liberté de conscience ( déclinée ici à partir de la croyance majoritaire ) ou comme un adversaire à un dogme institué. Vécue comme une menace pour l’unité de la nation, un facteur de division, un danger pour la bonne marche du pays, elle est alors refusée, rejetée, condamnée
( Il s’agit là exactement de l’inverse de notre conception basée sur la liberté de conscience et l’unité autour de l’Etat, réalisée et assurée par la liberté des consciences privées.)
Niveau 1 : l’acceptation métaphysique et morale
La laïcité, ici, est entendue comme n’étant ni une croyance, ni un dogme antireligieux. La liberté de culte est totale. La laïcité n’est plus source de division au sein de la nation. Elle assure la paix dans l’espace civil
( l’histoire a montré que chaque fois qu’une nation enracine son identité et son avenir dans un droit religieux, elle s’expose à la division et à la violence fratricide.)
Tout homme est reconnu dans son individualité, comme dans son organisation sociale. Chacun est régi par le Droit selon une justice commune, en conformité avec la D.D.H. de 1789 et la D.U.D.H. de 1948. La diversité des opinions est acceptée ( cf. article 1 loi 1905 ), plus précisément tolérée : l’accès aux responsabilités est le plus souvent écarté pour le « non majoritaire ». Les valeurs que porte la laïcité apparaissent comme des principes fondateurs de la démocratie : laïcité s’apparente à civilité.
Niveau 2 : l’acceptation politique
A ce niveau, la laïcité concerne la gestion concrète (et non plus abstraite) de l’espace public. Elle participe du fonctionnement de l’Etat en ce sens qu’elle soustrait l’Etat à l’influence du clergé. Tous les citoyens sont intégrés (et non plus tolérés pour certains) et participent à la marche de l’Etat. Tout communautarisme est écarté (cf. article 1 + article 2 loi 1905). L’Etat est indépendant des croyances et inversement. Il n’existe pour autant aucune une volonté de rejet.
Sur le plan de la démocratie, la République répond alors à 2 exigences de la laïcité : les citoyens doivent être libres et l’Etat doit être indépendant par rapport aux églises, condition nécessaire de la véritable liberté de conscience.
Niveau 3 : épistémologique
( épistémologie : étude critique des sciences, destinée à déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée)
Montesquieu : « Il ne suffit pas qu’un peuple inscrive la liberté dans sa constitution pour être réellement un peuple libre. Encore faut-il qu’il soit un peuple éclairé, car un peuple ignorant, même avec une constitution libre, est toujours dans la servitude ». Cette conviction est essentielle.
La laïcité crée un accès au savoir à l’écart de toute adhésion à une croyance. Pas simple, car elle induit ainsi une posture intellectuelle des plus exigeantes : l’acceptation de la diversité des croyances et le dépassement de l’esprit humain vers un savoir plus riche, plus plein, plus sûr… vers un horizon culturel le plus large possible. Nous sommes loin de la neutralité par rapport aux croyances ; nous sommes au niveau des valeurs.
L’esprit libre qui tend vers le savoir tend aussi à toujours mieux éclairer sa propre liberté. Conception libérale de la liberté ; si l’on y ajoute la conception civique, la laïcité apparaît aussitôt comme une valeur et un vecteur essentiels pour passer de la liberté à la responsabilité. Une institution y travaille : l’école de la République.
Quelle position pour l’Etat ? Celui-ci doit être neutre. C’est un point de départ nécessaire, indispensable dans la quête du savoir, afin que chaque citoyen devienne le plus éclairé possible, et donc le plus responsable, dans l’intérêt de tous.
Voilà les arguments présentés par les parents venant inscrire leur enfant dans les écoles françaises à l’étranger .
Passer de la croyance au savoir : la laïcité peut être considérée comme une valeur spirituelle, ajoute JP Villain, où la confiance en l’Esprit qui cherche se conjugue avec le devoir qu’il doit lui associer de faire toujours le meilleur usage de cette liberté.
Conclusion
La compréhension de la laïcité est loin d’être homogène dans le monde, y compris en France.
Elle est souvent réduite à un libéralisme mou, ou à une neutralité passive de l’Etat.
Ce n’est ni un dogme parareligieux, ni une autorisation pour des croyances tous azimuts.
La loi de 1905 est un acte politique majeur : un point de départ indispensable, mais pas une fin. En effet, si la République est laïque, l’Etat peut ne pas l’être ( mais il est nécessaire qu’il le soit pour construire ensemble la laïcité de la République).
La laïcité reste un combat à conduire . Nous aurons toujours :
à lutter contre les prétentions toujours résurgentes des croyances et des clergés à régenter nos consciences et nos vies ,
à défendre avec ardeur l’éducation, la recherche, la culture, l’école où se joue plus que jamais l’avenir, et de la laïcité, et de l’humanité.
La laïcité continue d’être une vraie valeur moderne de dépassement continu des individus et des peuples, dans une dynamique d’échanges sans cesse authentiquement partagés avec les autres et de tension vers une liberté mieux éclairée.
* dans « L’homme qui marche droit n°16 » Libres penseurs Draguignan
B.P.