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Pour faire société : écouter l'autre - Laïcité Aujourd'hui

Pour faire société : écouter l’autre

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Réunion du 20 octobre 2021

Une question à l’une des médecins, membre du groupe :
« Que signifie le fait que l’écoute du patient ait été placée en tête de toutes les injonctions faites au praticien ? Comment cela t’a-t-il été présenté lors de ta formation initiale ?
-  Voilà une question qui m’intéresse personnellement, répond-elle : avant de te donner ma réponse, je vais la retravailler et je me proposerais bien d’en faire une présentation au groupe.

Chemin faisant, une idée connexe s’est développée : l’écoute de l’autre n’est-elle pas aussi nécessaire pour faire société ? Il faut se parler pour faire société, s’écouter est une nécessité !

La laïcité, qui préside à nos travaux ne serait-elle pas tributaire de cette écoute mutuelle, absolument nécessaire lorsqu’il s’agit de créer de la loi ?

Une réflexion organisée en 2 temps : la relation médecin-patient en consultation et en visite à domicile, puis la relation entre concitoyens. Quelle place pour l’écoute dans chacun de ces deux champs pourtant très différents ?

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Pour faire société : écouter l’autre par MLM

Source : thèse de Lionel Bouffard, le 01-12-1992 à Grenoble ; président du jury Pr Serge Halimi

« Je prends l’engagement solennel de consacrer ma vie au service de l’humanité.
Je considèrerai la santé et le bien-être de mon patient comme ma priorité.
Je respecterai l’autonomie et la dignité de mon patient.
Je veillerai au respect absolu de la vie humaine. Je ne permettrai pas que des considérations d’âge, de maladie ou d’infirmité, de croyance ou d’origine ethnique, de genre, de nationalité, d’affiliation politique, de race, d’orientation sexuelle, de statut social ou tout autre facteur, s’interposent entre mon devoir et mon patient.
Je respecterai les secrets qui me sont confiés, même après la mort de mon patient.
J’exercerai ma profession avec conscience et dignité, dans le respect des bonnes pratiques médicales.
Je perpétuerai l’honneur et les nobles traditions de la profession médicale.
Je témoignerai à mes professeurs, mes collègues et à mes étudiants le respect et la reconnaissance qui leur sont dus.
Je partagerai mes connaissances médicales au bénéfice du patient et pour le progrès des soins de santé.
Je veillerai à ma propre santé, à mon bien-être et au maintien de ma formation afin de prodiguer des soins irréprochables.
Je n’utiliserai pas mes connaissances médicales pour enfreindre les droits humains et les libertés civiques, même sous la contrainte.
Je fais cette promesse, sur mon honneur, solennellement, librement. »

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Le serment d’Hippocrate est le serment traditionnellement prêté par les médecins en occident, avant de commencer à exercer. Le texte originel, probablement rédigé au IVème siècle avant JC appartient aux textes de la collection hippocratique, attribués au médecin grec Hippocrate.

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Sans valeur juridique, c’est l’un des textes fondateurs de la déontologie médicale.
Le 1er code de déontologie remonte au 28 juin 1947, il n’a que peu évolué.
Mais en 1995, il accentue l’affirmation du droit des patients, la nécessité de les informer et de les protéger. Le rôle du médecin va au-delà du « ministère » du code de 1947, pour promouvoir la santé publique. Il y a la notion de liberté, de choisir son médecin, de refuser ou d’accepter ce que propose le médecin, le « consentement éclairé » et c’est une liberté équilibrée, avec la liberté des prescriptions.
Ce serment est la déclaration de Genève, adopté par la 2è assemblée générale à Genève, reconnu comme la version moderne du serment d’Hippocrate.
Ce serment demeure l’un des documents les plus constants de l’AMM (association médicale mondiale). Ayant subi très peu de révisions au cours des décennies passées, il préserve les principes éthiques de la profession.

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La relation médecin-malade est basée sur le dialogue et sur l’écoute. Le médecin doit être à l’écoute de son patient, respecter ses désirs, être capable de discuter sans passion la problématique que lui impose le patient tout en respectant son avis et sans exercer trop de pression pour faire valoir un point de vue ou une conduite à tenir refusée par le patient.

C’est une écoute active, une écoute chaleureuse, pleine de respect mutuel ; mais cette écoute est-elle innée ? Cette écoute bienveillante évite les idées préconçues et les interprétations, elle peut utiliser les silences et faire preuve d’empathie.

«  Ecouter l’autre, ce sera prendre le risque d’entendre, car il y a une différence entre écouter et entendre. Ne faire qu’entendre est une attitude passive, alors qu’écouter est une attitude active, qui requiert de la concentration.
Par exemple chez les travailleurs sociaux, l’écoute est un élément essentiel dans leur pratique ; ils sont constamment à l’écoute des difficultés et de la souffrance des personnes auprès de qui ils interviennent.

Ecouter est le meilleur moyen d’instaurer une relation de confiance et d’établir un rapport humain positif. D’abord parce que cela démontre l’intention de construire une relation, et non de faire subir une domination. Le médecin est le sachant mais doit devenir aussi l’apprenant ; c’est une preuve d’intérêt, une marque de respect et de considération.
L’être humain est un être social. Nous vivons avec les autres, parmi les autres en échangeant en permanence avec eux. Le lien de la consultation ou de la visite à domicile passe par la communication et l’écoute, ce qui permet la fluidité de la relation qui devient et doit devenir un échange réciproque.

Ecouter, ce n’est pas faire irruption dans l’univers de l’autre, ne pas envahir l’autre de son savoir et de son expérience (ici est le grand danger de la relation médecin-malade - sachant/demandant – qui peut très vite et souvent devenir dominant/dominé).

Pour écouter, il faut être disponible, avoir du temps et surtout prendre son temps. Il faut savoir faire silence et ne pas bousculer le patient pour une raison ou pour une autre car c’est un manque de respect. Combien de fois n’ai-je pas entendu : « vous avez été longue ! », mais je répondais : « Peut-être, mais je serai peut-être plus longue avec vous ! ». Effectivement, jamais, je dois le dire, je n’ai compté mon temps, et c’est sans doute pour cela que je n’ai jamais pu travailler avec un horaire de rendez-vous ! Au grand dam des personnes dans la salle d’attente !

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L’attitude médicale courante, stéréotypée, vise à apporter une ordonnance face à un symptôme ou à une maladie : traitement/réponse, mais il faut savoir jusqu’où on peut aller et à quel moment, il faut inciter le patient à parler car le motif de consultation n’est souvent qu’un moyen de demander à parler et à se faire écouter. Le médecin peut, s’il le veut, répondre aussi bien à l’urgence médicale qu’à la détresse psychologique ou psychique de ses patients. Il y a des souffrances avouées et inavouées, et le rôle du médecin est justement d’amener, par son empathie, sa capacité d’écoute, le patient à se dévoiler, à devenir « lui ». C’est le respect de l’autre dans la relation. Balint dirait : « être en résonance avec le patient qui est reconnu. »

J’ai parlé plus tôt de la situation des travailleurs sociaux confrontés à la misère du monde, je voudrais aussi parler de la situation des malades immigrés où se pose le problème de la langue, de la compréhension qui souvent crée un malaise lors de la consultation. Je me souviens de cette jeune femme d’Europe de l’Est qui venait toujours en consultation avec son mari, jusqu’au jour où j’ai été appelée chez elle, où je l’ai vue seule, dans sa chambre et que j’ai tout compris : la détresse d’une femme en grande souffrance et en demande d’aide, ce qu’elle ne pouvait exprimer au cabinet, devant son mari dominateur !

Il est évident que la relation médecin / malade se passe dans un lieu, avec des limites physiques, se passe à un moment de la vie du patient qui le met dans une situation de dépendance vis-à-vis du savoir et de la personne qui peut et qui doit l’aider.

Ce microcosme est à l’image de la société où il faut éviter de créer des situations de dominance. Il faut tout faire pour vivre ensemble, en acceptant les différences, les difficultés de chacun et c’est ici l’exemple même de la tolérance. Dans ce monde où tout prête à débat, le respect des convictions de l’autre, l’écoute de son argumentation font que les situations conflictuelles peuvent s’apaiser et doivent s’apaiser.

Goethe disait et ce sera ma conclusion :
« Parler est un besoin, écouter est un art ».

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Le débat qui a suivi a d’abord porté sur les pratiques respectives du médecin et du patient en termes de droits, en regard d’une législation qui n’a cessé d’évoluer (cf. code de déontologie 2012).

L’accueil, le respect de l’autre, la considération : l’obstacle que constitue la relation sachant-demandant ou dominant-dominé
Comment combattre les préjugés, les interprétations hâtives ?
Rendre la parole accessible, partagée ; écouter les silences
La disponibilité, la bienveillance, la tolérance

Des questions :
-  écouter/entendre : écouter, démarche active, est-il inné ?
-  quelles limites se donner ?
-  l’importance du lieu, du moment

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Second temps : l’écoute mutuelle pour faire société

Faire société peut s’entendre comme la relation à deux autour d’un projet commun jusqu’aux débats de l’assemblée nationale où ce sont tous les citoyens français qui sont concernés.
Nous sommes dans un champ bien différent de celui du médecin : il s’agit de créer un cadre acceptable auquel chacun devra se soumettre.

En premier lieu, comment créer une relation de confiance ?
Ensuite : la posture d’écoute : chaque citoyen en est-il capable ou plus simplement est-il prêt à faire l’effort de l’adopter ?
Faudrait-il une formation ? L’oral travaillé aujourd’hui au collège est un premier pas.
Chacun porte une tendance naturelle à la directivité : comment s’en départir ? Nous retrouvons ici le conflit dominant-dominé, à l’opposé de l’égalité de droit.
Que faire des préjugés, des clichés ?

Comment éviter les dérives dues aux interprétations ? Le langage de l’émetteur est toujours traduit par le receveur.
Bien se comprendre pour établir un cadre commun solide : le vocabulaire que nous employons nous est-il commun ? Nombre d’experts et même de politiques ne se mettent pas au niveau de leurs interlocuteurs citoyens.
Quel lieu, quel temps pour créer de la loi ? L’immédiateté, si cultivée aujourd’hui, n’y est pas propice.

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Nous savons, à la suite de nos travaux, que la tolérance n’a pas cours lorsqu’il s’agit de créer de la loi :

-  Mirabeau l’a rappelé :
« Qui dit tolérance suppose une autorité qui tolère, et l’autorité, qui aujourd’hui tolère, peut très bien demain ne plus tolérer ». Un tel point d’appui n’a aucune fiabilité.

-  Rabeau de St Etienne, un des grands révolutionnaires protestants de la révolution française, parlait ainsi de la tolérance : « Je ne veux pas de la tolérance, je veux être reconnu à égalité. »

Retour à l’égalité de droit, ce qui n’exclut en rien l’accueil, le respect de l’autre, la bienveillance, la considération

Retour à la reconnaissance de l’autre comme son égal en droit (ne s’agit-il pas là de la fraternité qu’évoque notre devise nationale ?)

A l’heure où notre société tend à se diviser, où Jérôme Fourquet publie L’ Archipel français, voilà bien des questions à l’ordre du jour.

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