Protestantisme et laïcité

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Il n’est pas courant dans notre secteur de rencontrer des protestants. Ce fut le cas le samedi 5 décembre à Quimper : la LDH locale organisait un après midi laïcité devant déboucher sur la création d’un organe de médiation laïque.

Divers intervenants, dont un pasteur, ont répondu à la question :

Qu’est-ce que la laïcité ? Comment construire un vivre ensemble sur ce principe ?

Celui-ci a articulé son propos à partir de la contribution ci-dessous que nous avons trouvée particulièrement intéressante. Elle est signée Janine Kohler, secrétaire générale de la Fédération protestante de l’Enseignement.

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Qu’est-ce que la laïcité pour les protestants ?

Ces deux mots évoquent une longue histoire de proximité.

Pour certains, elle dure depuis 100 ans, date de la promulgation des lois Jules Ferry et de la mise en place progressive de la laïcité scolaire ; pour d’autres, elle existe depuis la Réforme qui, au 16e siècle, affirme que chacun est capable d’entrer en relation directe avec Dieu, capable de lire seul la Bible et de l’interpréter, donc capable de se passer de médiateur et de clergé. Le Huguenot apparaît comme un croyant laïque.

Dans les années 1880, le protestantisme qui possède environ 800 écoles privées, les remet à l’Etat. Aujourd’hui, on compte encore 5 lycées protestants en France.
Parmi les premiers laïques, on retrouve bien des protestants : Ferdinand Buisson, directeur de l’enseignement primaire pendant 17 ans ; Félix Pécaut, directeur de l’Ecole normale supérieure de Sèvres ; Paul Bert, Jules Steeg, etc... Pourquoi ce mouvement de confiance envers la laïcité et cette participation protestante à un gouvernement laïque et républicain ?

Depuis la Révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV en 1685, les protestants interdits d’existence se cachèrent, s’exilèrent ou moururent. De 8%, ils passèrent à 1,5% de la population. Il fallut attendre la Révolution pour qu’ils puissent à nouveau, avec les Juifs, exercer leur liberté de conscience. Au 19e siècle, dans une France en majorité catholique, ils se heurtent aux problèmes des minorités, problème de nombre, de représentativité, de légitimité. Ils accueillent donc très favorablement des lois scolaires qui ne favorisent aucune religion.

L’école laïque sera pour eux la garantie d’une protection : leurs enfants ne seront pas obligés de fréquenter une école catholique. Comment garder sa spécificité spirituelle dans un milieu qui vous en fait vivre une autre ? De plus les instituteurs protestantes seront libérés de la tutelle cléricale car la loi Falloux de 1850 avait mis toutes les écoles primaires - publiques et privées - sous la surveillance du clergé catholique. On peut comprendre que la communauté protestante se soit sentie encerclée !

L’école pour tous, sans discrimination religieuse et sans catéchisme, protège donc les minorités. Un pasteur déclarait alors "la laïcisation est la condition même de la liberté de conscience". Elle n’est pas la disparition de la religion, mais une autre manière de vivre en société. Elle garantit l’existence de valeurs et d’options sur lesquelles l’Eglise majoritaire n’a pas de pouvoir, pas plus d’ailleurs que l’Etat dont l’indifférence en matière religieuse sera affirmée officiellement en 1905, par la fameuse loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Avec la protection, la laïcité offre aux minorités la légitimité. Elle leur accorde le droit d’être différentes, de croire autrement. Les protestants sont dorénavant reconnus. On peut ne pas être catholique - c’est-à-dire venir de la grande Eglise - on peut ne pas être athée ou libre-penseurs - c’est-à-dire venir de la grande révolution - et cependant se sentir pleinement citoyen français. La laïcité reste la garantie que le déséquilibre numérique n’est pas fatal et que les majorités n’excluent pas les petits groupes.

Ajoutons encore que les idées laïques rencontraient les valeurs protestantes, notamment en ce qui concerne l’importance donnée à l’individu, à sa liberté de conscience, à son esprit critique. Pour la laïcité, comme pour le protestantisme, le but de l’éducation est de former un individu autonome, capable de faire seul ses choix et d’exercer sa raison. L’école laïque qui transmet ces valeurs fondées sur l’esprit de libre-examen, sans renier les sources éthiques données par le christianisme, convient donc au protestant. Celui-ci peut vivre sa foi dans un environnement différent de lui. Il se nourrit de ses propres sources sans se couper des autres qui s’abreuvent à d’autres sources. Au sein de l’école publique, il pourra connaître la fraternité liée à la liberté.

Aujourd’hui encore, le protestantisme reste très attaché à la laïcité de l’Etat, garantie fondamentale de la vie publique et du respect des minorités. Ces dernières années, il s’est trouvé du côté d’Alain Savary pour soutenir ses projets de rénovation de l’école publique et de règlement du contentieux avec l’école privée. Récemment, les enseignants protestants ont dit non au catéchisme dans le cadre de l’école, mais oui à la culture religieuse qui fait partie de la culture générale. Nous pensons en effet que la Bible est une des sources de notre civilisation qui doit être connue en tant que telle, aussi fondatrice et légitime que la source gréco-latine ou que l’apport de l’humanisme des lumières.

Nous vivons une laïcité qui n’est pas un obstacle à la spiritualité. Nous croyons que la religion peut être facteur d’identité, sans être instrument de guerre ou d’agressivité. Seul l’appauvrissement culturel favorise l’intolérance. La laïcité nous apparaît comme un gage de démocratie. Pour les protestants cette notion reste liée à l’histoire de leurs libertés. Elle affirme que chacun, quelle que soit son origine sociale, ethnique, spirituelle, a sa place dans la communauté des hommes.

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