Un million d’euros en soutien à l’enseignement privé catholique

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Nous écrivons au Président du Conseil régional

Monsieur le Président,

La presse locale vient de faire état d’une décision de la Région Bretagne concernant le soutien aux investissements immobiliers dans un lycée privé confessionnel du secteur de Concarneau : un million d’euros, soit 70% du montant du projet.

De nombreuses réactions d’indignation nous sont parvenues : de l’argent public pour des investissements immobiliers d’établissements à caractère privé et religieux, -établissements prosélytes nous a même affirmé Denis Pelletier*- !

Chacun connait déjà l’injustice qui consiste, selon une règle non écrite, à doter l’enseignement privé, presque entièrement sous tutelle des évêchés, de 20% de l’enveloppe budgétaire nationale alors même qu’il scolarise moins de 17% des élèves.

Chacun a pu voir aussi se multiplier les fondations qui permettent à ces mêmes établissements de bénéficier indirectement d’autres financements qui grèvent les ressources publiques (dons défiscalisés ou exonérés …)

Sans méconnaître la loi Astier, il reste surprenant qu’une collectivité publique s’autorise à financer à cette hauteur de tels projets à caractère à la fois privés et confessionnels. Nous sommes dans une République institutionnellement laïque.

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Surprenant, pourquoi ?

Que dit le récent statut de l’enseignement catholique (juin 2013) ?

Sans entrer dans le détail de ses 385 articles, reprenons quelques-uns en commençant par les objectifs centraux qui sont au cœur des projets d’établissement :

art. 8 Aujourd’hui comme hier, l’Église catholique est engagée dans le service de l’éducation. Elle accomplit ainsi la mission qu’elle a reçue du Christ : travailler à faire connaître la Bonne Nouvelle du Salut. De cette mission, dans chaque diocèse, l’évêque est le responsable premier et le garant… ».

art. 9 En affirmant, comme elle l’a toujours fait, son droit de fonder des écoles, l’Église aide les parents à assumer leur droit naturel d’éduquer leurs enfants. Elle fait en sorte qu’ils puissent se sentir accueillis dans des lieux où l’Évangile est à la fois vécu et proposé.

art. 17 « Le caractère ecclésial de l’école est inscrit au cœur même de son identité d’institution scolaire. ». Cette particularité « pénètre et façonne chaque instant de son action éducative, partie fondamentale de son identité même et point focal de sa mission ».

art. 23 L’Évangile est la référence constante des projets éducatifs car « c’est le Christ qui est […] le fondement du projet éducatif de l’école catholique. ».

art. 86 … La formation initiale des professeurs doit articuler les dimensions académiques et professionnelles en dialogue avec la conception chrétienne de l’homme. Celle-ci modèle la didactique, la pédagogie et la relation éducative. Cette formation doit également prévoir l’acquisition de connaissances de culture chrétienne, sur l’Église et sur le contenu de la foi, puisque la mission éducative va s’exercer dans ce cadre. La formation initiale des chefs d’établissement est dispensée en référence constante à la mission reçue de l’Église. …

art. 124 Le projet éducatif de chaque école, inscrit dans les orientations de la tutelle et du diocèse, est un cadre de référence dont se dote la communauté éducative. Il mobilise les énergies de manière convergente, dans le respect de l’autorité …

art. 125 Chaque projet éducatif redit l’identité de l’école, ordonnée à l’Évangile, héritière de la tradition éducative des fondateurs et insérée dans la mission de l’Église ; il formalise les objectifs éducatifs et didactiques …

art. 126 L’Évangile inspire le projet éducatif aussi bien comme motivation que comme finalité, les champs éducatifs participant intégralement du champ pastoral. Cette référence explicite à la vision chrétienne est reconnue par tous.

Voir aussi les articles 157, 158, 161, 178, 181, 183 : « projets éducatifs explicitement fondés sur l’Évangile et vécus selon son esprit » et c…

Plusieurs déclarations d’évêques (André Vingt-Trois, Claude Dagens** et bien d’autres encore), tout comme celles du secrétaire général de l’enseignement catholique, renforcent la tonalité de ces articles.

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Que disent les chrétiens progressistes ? « La gestion d’une école privée par l’Eglise est un non-sens évangélique, puisqu’elle permet, au nom de la foi, de mettre des enfants à part des autres … C’est aussi le risque de créer un ghetto identitaire et socialement sélectif, moins porté à éveiller les consciences aux libertés. » J. Haab***

Que dit le philosophe ? « Ce qui est de certains ne peut s’imposer à tous, ni être à la charge de tous. Ainsi des croyances religieuses et de leur mise en œuvre cultuelle, qui ne doivent engager que les croyants et ne sauraient engager les athées ou les agnostiques. La religion n’est pas un service public. » H. Pena-Ruiz

Que dit le contribuable ? « Le conseil régional est-il prêt à soutenir à la même hauteur un projet immobilier pour des associations religieuses d’autres courants : bouddhiste, islamique chiite ou sunnite, évangélique et c… ? »

Que dit le citoyen ? « S’il me pèse de prendre le transport en commun, je prends le taxi, mais je ne demande pas à la collectivité de me payer le taxi ! »

En ce qui nous concerne, nous attendons de tout homme ou femme politique, soucieux de l’émancipation de chacun, le respect des lois fondamentales qui ont permis l’élaboration de notre modèle républicain que tant de citoyens du monde nous envient (et particulièrement les citoyennes) : lois de 1881, de 1901, de 1905 … . Cette dernière énonce : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit l’exercice des cultes » – garantit signifie « interdit d’interdire » et nous tenons à cette dimension ; garantit ne signifie en rien « finance » -. Pour preuve l’article 2 : « la République ne reconnait, ne subventionne ni ne salarie aucun culte » : c’est ici l’indispensable garantie pour le croyant de pouvoir vivre et cultiver sa foi en toute liberté.

La dimension politique  : Il y a deux à trois décennies, c’est principalement la gauche progressiste qui portait nos valeurs républicaines en respectant l’esprit des lois. Aujourd’hui nous entendons les applaudissements et les rires des courants traditionalistes et des partis de la droite extrême lors de telles décisions !

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Et au-delà de la décision d’attribution de ces fonds, qu’en est-il de la vérification de leur utilisation ? Nous aimerions avoir votre réponse à cette question.

Recevez, Monsieur le Président du Conseil régional ...

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* Denis Pelletier, historien, spécialiste du catholicisme du 17ème siècle à nos jours, ancien directeur de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes à la Sorbonne. Conférence du 23 février 2017, à l’initiative de la Liberté de l’Esprit, à Quimper.

** Mgr Dagens, évêque d’Angoulême, président du groupe de travail de la Conférence des Évêques de France sur « l’indifférence religieuse et la visibilité de l’Église » (2009) : « Que cherche l’enseignement catholique présent dans nos sociétés européennes ? A être le concurrent de l’enseignement public, à s’orienter parfois vers des processus de privatisation ou bien à être résolument le témoin de l’engagement du Christ qui vient inlassablement " chercher et sauver ce qui était perdu" (Lc 19 , 10) ? » Il poursuit : « L’enseignement catholique participe à ce ministère de salut, par son travail d’éducation. Il doit le manifester davantage. Il en est capable. »

*** Jacques Haab (Chrétiens de progrès, Observatoire Chrétien de la Laïcité, CEDEC) dans « L’invention de la liberté de conscience ou l’entrée dans la modernité ».

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