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La laïcité est le produit des mouvements révolutionnaires en France (1789, la Commune, ). Il aura fallu des siècles pour arriver à la loi de 1905, loi de liberté qui permet à toutes et tous de penser et de s’exprimer librement …des siècles pour arriver à la reconnaissance officielle de l’égalité homme/femme…et nous savons malheureusement que ce qui est acquis un jour ne l’est pas pour toujours !
Aujourd’hui, on ne sait plus quel adjectif utiliser pour qualifier les dangers qui planent sur la laïcité, sur sa défense et sa promotion ! Ils viennent bien sûr de ses ennemis naturels, des extrémistes de toutes les religions, et parfois pas seulement des extrémistes ! Cette situation devrait souder les républicains laïques, mais il n’en est rien ! Une tendance suicidaire semble bien se développer parmi eux, elle est sans aucun doute le produit des pressions exercées sur la société par tous ceux qui ont intérêt à voir disparaître les acquis laïques, démocratiques ou sociaux !
Au mois de janvier M. BIANCO, président de l’Observatoire National de la Laïcité s’en est pris violemment à Mme BADINTER, puis s’est vu adresser des critiques par son ministre de rattachement, M.VALLS…, et depuis, on assiste à une espèce de guerre larvée entre des organisations traditionnelles du mouvement laïque français qui se sont en quelque sorte regroupées en plusieurs camps ( nous ne parlons pas ici bien sûr de Sarkozy ni de la famille Le Pen, ni de tous ceux pour qui la laïcité n’est qu’un cache-sexe de leur racisme et de leur xénophobie !).
En 2005 une grande manifestation unitaire a eu lieu à Paris !
Mais au mois de décembre dernier, à l’occasion du 110ème anniversaire de la loi de 1905, c’est la division qui l’a emporté. Les laïques ont été invités en même temps à soutenir plusieurs initiatives différentes : un meeting au gymnase JAPY pour les uns, le 5 , un rassemblement devant la statue du Chevalier de la Barre à Montmartre pour les autres, le 6, et d’un troisième côté le CNAL organisait son propre rassemblement le 12 décembre !
Et cela ne date pas de ces derniers événements, mais remonte à beaucoup plus loin…Cette dispersion des forces s’est déjà révélée plus que nuisible à la cause de l’idéal laïque, elle est aujourd’hui un danger mortel qui risque de faire disparaître toute chance d’organiser une initiative unitaire nationale en défense de la laïcité !
Mais nous avons aussi pu constater avec intérêt que bon nombre des protagonistes déclarent vouloir la discussion !
Alors DISCUTONS sans tarder ! En laissant de côté les considérations politiciennes, en évitant tout amalgame et tout anathème.
Discutons de ce que devrait être le socle commun des laïques dans notre pays ! et que chacun présente ensuite ses arguments et que le débat s’ouvre !
Nous présentons aujourd’hui notre contribution à ce débat ; il s’agit d’une contribution, pas d’un ultimatum ni d’une leçon !
Nous y exprimons une nouvelle fois nos positions sur lesquelles la grande majorité des laïques devraient pouvoir se retrouver.
La loi de 1905 est une loi de liberté pour toutes et tous !
La laïcité, c’ est la liberté et la démocratie !
L’article 1 : « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes. » C’est de la liberté de conscience pour tous que découle le libre exercice des cultes, comme un cas particulier concernant les croyants adeptes d’une religion.
La liberté de conscience implique la liberté d’expression et aussi le droit à la critique ! La critique d’une religion, de ses dogmes, de ses consignes, de ses croyances, est aussi légitime que la critique de l’agnosticisme, de l’athéisme ou de l’indifférence totale à ces problèmes.
Personne n’a à respecter les croyances, les opinions ou les pensées de quelqu’un ; tout peut être l’objet de la critique, la seule limite est fixée par la loi : toute attaque contre la personne est interdite. Le seul respect qui est dû, c’est celui de la dignité de la personne humaine, de ses droits et libertés.
L’article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » C’est cette séparation des églises et de l’Etat qui donne son indépendance à l’Etat mais aussi aux églises. C’est elle qui ouvre l’espace de liberté pour le citoyen-ne qui peut s’émanciper car il n’a plus à redouter de pression ni de discrimination. Il est sous la protection de la République qui est neutre.
Les Art. 1 et 2 instaurent l’indépendance mutuelle entre l’Etat et toutes les églises, sur les plans philosophiques, politique et financier. Elles assurent la liberté de pensée pour chaque citoyen(ne), créent l’espace des libertés publiques et de tolérance où tous et toutes, à égalité de droits et sans aucune discrimination, peuvent débattre librement et décider démocratiquement de l’avenir commun qu’ils veulent construire !
La loi de 1905 est fondatrice de la République laïque, ses principes fondamentaux ont donc toute leur place dans la constitution. La « constitutionnalisation » de ces 2 articles pourrait donc faire obstacle à toute volonté de revenir en arrière et de réintroduire les religions en tant que telles dans la vie publique ; ce serait aussi empêcher les atteintes à la laïcité constatées ces dernières années dans les décisions gouvernementales et aussi dans celles du Conseil d’Etat.
En conséquence devraient disparaître tous les régimes spéciaux qui vont à l’encontre de la loi de 1905 et à l’encontre de l’unicité de la République.
Les laïques demandent que la loi de 1905, devenue principe constitutionnel ( cf. constitutions de 1946 et de 1958) soit respectée et appliquée dans tous les territoires de la République sans exception. dans ce but, un certain nombre de textes doivent être abrogés.
L’état des lieux est éclairant !
la liberté de conscience (article 1) n’est pas respectée
quand l’enseignement religieux est obligatoire (concordat).
le non-financement des cultes (subventions – salaires) n’est pas respecté
quand l’ordonnance royale ( !) de Charles X du 27 août 1828 s’applique encore en Guyane où seul le culte catholique est non seulement reconnu mais financé par le Conseil départemental.
quand les décrets-lois de 1939, dits décrets Mandel , qui autorisent un financement public du culte, sont encore appliqués dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution : Polynésie française, Wallis et Futuna, Saint Pierre et Miquelon , Nouvelle Calédonie et Mayotte.
quand la non-reconnaissance des cultes n’est pas respectée
Quand la Circulaire du 21 avril 2011est toujours en vigueur, qui enjoint aux Préfets de désigner « un correspondant laïcité dans chaque Préfecture et préconise l’installation d’une conférence départementale de la liberté religieuse ».
Or la « liberté religieuse » mise en avant n’est pas un concept républicain, c’est une revendication de l’église catholique depuis 1905, reprise par la secte « église de scientologie » qui veut obtenir le droit d’exister !
quand on constate les rencontres au sommet et dans les départements, les visites régulières des responsables es-qualité au plus haut niveau dans les lieux de culte, sans parler de la mise en place du CFCM par Sarkozy en 2004, avec l’UOIF qui condamne toujours l’apostat ce qui est en totale contradiction avec la loi de 1905 et avec la constitution !
Si la République rencontre les responsables religieux, c’est pour leur rappeler la loi et leur obligation de la respecter !
Le concordat, c’est la religion instituée comme service public, puisque les curés, pasteurs et rabbins, sont nommés par le préfet ou le ministre de l’intérieur, considérés et payés comme des fonctionnaires de la République ! (Il a été maintenu par le 2ème empire allemand de 1870 à 1918 et reconduit après la 1ère guerre mondiale !)
Ce sont donc des coûts exorbitants mis à la charge, sans leur accord, de tous les contribuables français, sans parler des sommes affectées au fonctionnement, à l’entretien et aux réparations des lieux de culte, des exonérations de la taxe d’habitation et de l’impôt foncier bâti et non bâti, de l’exonération des droits sur les successions et les donations, de l’obligation faite aux communes de renflouer les communautés qui en ont besoin, etc…
Les lois anti-laïques doivent être abrogées, c’est cela le respect de la loi de 1905…sinon pas de refondation possible de l’école de la République ni de la République elle-même !
Les lois anti-laïques, les dons aux associations cultuelles se prétendant culturelles, les baux emphythéotiques…ne sont que subventions déguisées aux différents cultes qui en bénéficient, au premier rang desquels l’église catholique dont les établissements d’enseignement privé représentent 95 % du secteur !
La place particulière de l’école : L’école n’est pas un service public comme les autres, c’est une institution de la République, son rôle ne peut être « délégué » à des associations privées – qui par ailleurs défendent la position que la loi de leur dieu est supérieure à toute loi humaine !
La République ne peut intégrer au service public de l’Education Nationale ni financer une école concurrente dont l’objectif n’est pas « d’enseigner la République »(Jules Ferry) mais d’évangéliser ou d’instruire les jeunes à leur manière, c’est à dire dans leur dogme (cf le caractère propre inscrit dans la loi Debré) !
Les accommodements demandés par telle ou telle communauté ne peuvent être qualifiés de raisonnables ; car ils ne sont pas l’expression de l’intérêt commun de tous les citoyens, mais d’intérêts purement privés !
Revenons à l’origine au Canada de ces accommodements. Ils étaient prévus pour compenser les handicaps et permettre aux personnes concernées l’accès à un poste de travail adapté ! Les communautés religieuses ont détourné cet objectif de solidarité bien précis et s’en sont emparées pour mettre en avant leurs revendications privées.
La loi est faite pour tous, elle ne peut avoir pour but de favoriser des intérêts privés aux dépens des contribuables ! les « accommodements raisonnables » ne peuvent que favoriser le développement du communautarisme contraire au principe de laïcité parce qu’il met en avant ce qui divise et conduit à des affrontements.
Respect intégral de la loi de 1905 ! que sa validité soit étendue à tous les territoires de la République !
Face à tous les intégrismes, face aux islamo-fascistes, la République, les libertés individuelles et collectives sont en danger !
La République doit se défendre, c’est la loi votée au nom du peuple souverain qui s’applique à tous les citoyens ! …et pas la loi d’un dieu vénéré par telle ou telle communauté religieuse !
La loi de 2004 n’est pas la « loi contre le voile à l’école », mais s’appelle « loi sur les signes religieux dans les écoles publiques ».
La loi de 2010 n’est pas la loi « anti-burqa » mais la « loi interdisant la dissimulation du visage dans les lieux publics »
Il y a deux dérives à éviter : Le laïcisme et le laxisme qui sont contraires à l’esprit de la loi.
le laïcisme veut appliquer à l’espace partagé de la société civile la neutralité qui ne concerne que les institutions de la République ; aller dans ce sens signifierait une atteinte aux libertés et l’impossibilité de débattre démocratiquement !
la loi de 1905, loi de liberté, enlève aux religions leur statut de droit public, elles relèvent depuis lors d’un statut de droit privé. Cela ne veut pas dire qu’elles n’ont pas le droit de s’exprimer dans l’espace partagé !
Le laxisme, qui cède aux revendications de communautés dont le but est d’imposer leur conception à l’ensemble de la société (opposition à l’IVG, au mariage pour tous, homophobie, etc…). C’est redonner aux religions une place qu’elles n’ont plus en organisant avec elles des concertations qui n’ont pas lieu d’être.
L’unité de base de la République, c’est le citoyen(ne), pas une communauté qu’elle soit religieuse, politique, philosophique, économique !
La laïcité, ce n’est pas l’œcuménisme qui ne concerne que les religions et les relations entre elles.
Les responsables de la République n’ont pas à pratiquer l’œcuménisme, mais la neutralité à l’égard de toutes les religions !
Nous sommes conscients que nous n’avons pas abordé tous les sujets,
Mais voilà ce qui nous semble pouvoir être les bases d’un socle commun à tous les laïques et à leurs organisations !
Pour le CA du Comité 1905, Stéphane LARDIERE 7 mars 2016