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1902 La fermeture de l'école religieuse à CONCARNEAU - Laïcité Aujourd'hui

1902 La fermeture de l’école religieuse à CONCARNEAU

, popularité : 16%

Avant-propos : Il n’existe à la bibliothèque municipale de Concarneau qu’une seule brochure ( sans nom d’auteur, ni d’éditeur ) sur la fermeture de l’école des soeurs, rue de l’Alma, en 1902 :

" Les sœurs blanches de Concarneau ".

Aux archives départementales, par contre, l’évènement est relaté par plusieurs journaux, dans une palette de tonalités très différentes.

Le contexte historique :

Les fermetures ont été effectuées dans le cadre de la mise en application de la loi de 1901 sur les associations.

3 étapes

1. Le décret du 27 juin 1902, approuvé à la Chambre par 333 voix contre 206, ordonne la fermeture des établissements scolaires congréganistes ouverts depuis la loi de juillet 1901 sans avoir obtenu et même demandé l’autorisation.

2. La circulaire aux préfets du 11 juillet 1902 les invite à faire connaître aux établissements non autorisés qu’il leur est accordé huit jours pour fermer leurs classes et pour se retirer au siège de leur congrégation " sous peine d’y être contraints par voie de droit"..

La mesure frappait quelques 2500 écoles et 6000 maîtres.

Le gouvernement Combes désigna par décrets (25 juillet et 1er août 1902) la liste des établissements qui devaient fermer.

32 départements étaient concernés par ce décret de fermeture. Dans tous les autres départements, à l’exception de la Seine et du Rhône, tous les établissements congréganistes non autorisés ont obéi à la loi sans attendre d’y être contraints .

En Bretagne la résistance fut acharnée...Il fallut faire appel à la troupe pour faire appliquer la loi...

Dans le Finistère, selon la presse du 2 août 1902, 38 établissements restaient à fermer. Ils étaient encore 31 le 8 août. Congrégation des Filles du Saint Esprit de Saint Brieuc ( 528 maisons dont 112 dans le Finistère) :
Beuzec Conq, Concarneau, Douarnenez, Ploaré,
Plogonnec, Fouesnant, Audierne, Pont-Croix,
Le Guivinec, Tréffiagat, Pluguffan, Saint Yvi, et 19 autres encore.

Le 13 août 1902, malgré les injonctions de la Mère Supérieure à Saint Brieuc, le nombre d’établissements restant à fermer dans le Finistère était de 13. Congrégation des Filles du Saint Esprit : Beuzec Conq, Concarneau, Douarnenez,
Ploaré, Audierne, Pont-Croix, Pluguffan, ainsi que 6 autres.

3. En 1903, une nouvelle loi fut votée. L’enseignement fut interdit aux congrégations.
Les établissements scolaires congréganistes devaient fermer dans un délai de 5 années .

PROTESTATIONS à Concarneau

Les mères de famille

les mères de famille protestent

Le conseiller général

Le Conseiller général a écrit au Préfet et demande au journal La Dépêche de publier cette lettre.

le conseiller général proteste

Les sœurs

Les sœurs du St Esprit sont installées à Concarneau depuis 1861. La direction de l’école des filles leur a été confiée quelques années, jusqu’à ce jour de 1887 où le conseil municipal leur a enlevé ce rôle, leur laissant l’école maternelle ( ou Salle d’asile ). Elles réagissent en créant leur propre école confessionnelle.

Peinture de Emma Herland

Musée des jacobins

Le 10 juillet 1902, l’inquiétude monte : la circulaire du ministre vient de tomber et elles disposent de 8 jours pour se disperser.

Le mardi 15 juillet, les sœurs distribuent les prix à la hâte, renvoient tous leurs élèves à la maison et commencent leurs bagages.

La résistance est en place : des femmes veillent près de l’école.

21 juillet, date butoir annoncée pour la fermeture de l’école, le commissaire entouré de ses agents se présente pour signifier aux sœurs l’ordonnance du décret. Les femmes font barrage et les repoussent. Il en sera de même le lendemain.

22 juillet : une délégation est reçue en préfecture par le secrétaire général. Celui-ci les informe que le gouvernement est décidé à se faire obéir. La délégation est accueillie à son retour par des cris  :" Vivent les sœurs ! Non, ils ne les auront pas ! Nous ferons un rempart de nos corps !" (2). Une pétition est signée par 1524 électeurs et 1240 femmes. Un télégramme est adressé au Président de la République. Il ne fallait pas qu’un hostile ou un indifférent se permît une réflexion malsonnante à l’adresse des victimes. Il était aussitôt hué, poursuivi, bousculé et forcé de battre précipitamment en retraite (2)

La résistance s’organise

A la porte de l’école, les femmes veillent jour et nuit, priant en commun, lisant les journaux à haute voix, épiant le moindre bruit, se raccrochant à la moindre lueur d’espérance.... Des reconnaissances à bicyclette sont régulièrement organisées... Plusieurs fois elles avaient craint l’expulsion pour le lendemain matin.

Leur veille durera 24 jours ...

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Le 12 août, un notable de la ville reçoit un télégramme d’un ami lui annonçant l’embarquement des troupes pour Concarneau (1). Alerte générale dans toute la ville, au son du clairon et de clochettes. Une foule évaluée à mille personnes s’est réunie en bas de l’avenue de la gare. Quelques centaines de militants se massent dans la rue où se trouve le pensionnat (1) ; les autres sont là en curieux. Des touristes sont hués. Le train arrivera vide et la foule se dispersera, déçue. Le soir même, le bruit court que ce sera pour le lendemain.

Effectivement, dans la nuit, la nouvelle est confirmée : les soldats du 118ème embarquent dans un train spécial en direction de Concarneau. Les estafettes le confirment. 320 hommes de troupe, une soixantaine de gendarmes et 3 commissaires arrivent en gare de Concarneau vers 5 heures, accueillis par le commissaire de police et les cris des militants radicaux et socialistes " Vive la République ! Vive Combes ! A bas la calotte !" (4)

L’expulsion

Toute la troupe, impressionnante avec ses 20 gendarmes à cheval, descend vers la ville... " Vivent les sœurs ! Vive la liberté ! A bas les sectaires !". (4) Dès le milieu de l’avenue de la gare, une foule compacte lui barre la route. Le maire et ses adjoints sont à la tête de la manifestation ; on dirait même qu’ils crient plus fort que les autres. (4) Les cavaliers sont placés devant, mais, lorsqu’ils approchent, une quinzaine de manifestants malmènent leurs chevaux, les prennent par la bride, les frappent. Les chevaux se cabrent, reculent ; les cavaliers doivent laisser la place aux gendarmes à pied. Ceux-ci pénètrent en coin dans la foule, disjoignent les bras et poussent de côté hommes et femmes ainsi séparés. (4) Ils avancent lentement, se gardant bien de toute violence. Une heure plus tard, ils ne sont toujours qu’à la hauteur de l’Hôtel de France. La résistance se fait plus pressante : des femmes hurlent, les traits convulsés, l’écume à la bouche, les vêtements épars (4) ...

Le commissaire décide d’intervenir : il se dirige vers le maire et lui rappelle son rôle : celui de calmer les gens autour de lui, plutôt que de les exciter. Avant de le quitter, il lui signifie qu’il serait responsable des désordres pouvant survenir. Le maire l’entend, et son attitude change du tout au tout. Malgré sa coopération, il faudra encore une heure pour arriver à l’entrée de la rue de l’Alma. Les manifestants sont partout, qui hurlent de plus belle, réussissant plusieurs fois à repousser les gendarmes. Quelques uns seront arrêtés. Nul ne veut céder. C’est un par un que les manifestants seront dégagés de la ruelle . Certains arrivent à y revenir, d’autres contournent le bâtiment pour se joindre à la résistance organisée à l’intérieur, sous la direction de notables locaux. La confrontation dure encore une heure jusqu’à ce que deux commissaires atteignent la porte de l’école. Un groupe de femmes, conduites par l’épouse du maire, s’élance et les repousse. Le premier magistrat bondit, se saisit de sa femme et l’entraîne plus loin, lui intimant l’ordre de se tenir tranquille.

Il s’agit maintenant d’ouvrir la porte de l’établissement. Les sommations d’usage sont lancées, sans effet. Le serrurier est requis . Il s’avance sous les huées. Accueilli par des baquets d’eau, de boue, d’immondices - des jeunes gens ont été hissés sur un mur dominant l’entrée -, il recule plusieurs fois. Ramené de force à chaque fois, il finira par jeter ses outils et s’enfuir.

Technique de défense {JPEG}

Les cris redoublent. Le commandant de la troupe s’avance : il ordonne à ses sapeurs de briser la porte. Ils ont droit au même traitement que le serrurier ; le commandant et les commissaires ne seront pas épargnés.

La porte, renforcée de toutes parts, finit par céder et les autorités, après avoir franchi une barricade de bancs, d’échelles, de bûches et de terre (2), pénètrent dans l’établissement.

C’est en vain que les hommes présents tentent une ultime résistance.

La bataille avait déjà duré trois heures.

Lecture est faite du décret de fermeture. Les protestations sont écoutées et notées au procès-verbal. L’inventaire est effectué. Les cinq sœurs présentes sont invitées à quitter les lieux. La supérieure sort la première, au bras du maire ; les autres religieuses suivent, soutenues par des notabilités chrétiennes de la ville. Un drapeau tricolore, cravaté de crêpe, ouvre la marche.

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Archives de l’évêché : le commentaire de la photo ne semble pas correspondre au déroulé des événements : nous sommes plutôt dans la progression entre la gare et l’école

C’est vers 10 heures que les scellés sont posés.

Les autorités et la troupe se retirent : une tâche similaire les attend à Beuzec-Conq.

voir : "Les suites..." 1902 Les suites de la fermeture de l’école religieuse à Concarneau

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Le compte rendu du Préfet

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Sources :

- (1)La Dépêche

- (2)Les soeurs blanches

- Bulletin archéologique du Finistère CXX

- (4)Le Finistère

- AdF 29

- Témoignage

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