Indivisible, laïque, démocratique et sociale

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Pour la réunion du 7 juin, par MDz

Le sujet du jour :

Jean-Pierre Sakoun, président exécutif du Comité Laïcité République, écrit ceci :

« On ne peut comprendre la Laïcité que si on revient à la République. C’est parce qu’elle est République qu’elle est indivisible. C’est parce qu’elle est République indivisible qu’elle est laïque. C’est parce qu’elle est ces trois choses qu’elle est démocratique et c’est parce qu’elle est ces quatre choses qu’elle est sociale. Quand on retire un des termes ou qu’on le nie, c’est toute la République qu’on nie. »

Comment entendre tous ces liens ?

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Exposé

Quelques remarques :

• Contrairement à ce qu’une lecture de cette phrase pourrait donner à penser, la République indivisible, laïque, démocratique et sociale, est une exception française. Elle n’a pas d’équivalent dans le monde.

• Une autre lecture nous donne à comprendre que le concept de République, « Res publica », la « chose commune », induit l’indivisibilité, la laïcité, la démocratie et le social. La connaissance que nous avons de l’histoire, y compris celle, plutôt chaotique, de notre propre République, nous pousse à la conscience que cette forme de gouvernement, la forme qu’il prend dans les différents pays du monde, est fonction de leur histoire, des priorités qui leur sont apparues au gré des évènements marquants qui les ont touchés, de l’évolution de leurs idées, de leurs cultures.

Le Mémento du républicain co-écrit par André Bellon, Inès Fauconnier, Jérémy Mercier et Henri Pena-Ruiz, retrace les tribulations de l’idée de République :

 sa naissance à Athènes où l’on ne conçoit pas de séparation entre gouvernement et vie publique,

 l’engouement des philosophes Platon, Aristote pour lesquels « la base de l’idée républicaine est la réalisation du « bien commun » et qui voient en l’homme un individu politique, n’aspirant pas seulement pas à la seule satisfaction de ses intérêts et désirs privés, mais naturellement enclin à s’associer, à « faire société », et donc à participer à la marche des affaires publiques dans la cité.

Aristote distingue 3 types de gouvernements : la monarchie (pouvoir d’un seul), l’aristocratie (pouvoir de plusieurs) et la République (pouvoir de tous). Pour Aristote, le « savoir bien gouverner » n’est à priori la propriété de personne, c’est une affaire de conjugaison des talents des gouvernants et des gouvernés, la République apporte un élément essentiel de stabilité.

 Au Moyen Age, on assiste à un appauvrissement du concept. La "res publica" est assimilée à un Etat organisé, de nature monarchique, alors que l’Etat « ne peut qu’être l’instrument du corps social dans une République », rappellent les auteurs du Mémento.

 A la Renaissance, Machiavel relance et surtout renouvelle l’idée républicaine. Il influencera particulièrement Rousseau et, Montesquieu dont l’œuvre a révolutionné les états anglais de l’Amérique du Nord ainsi que l’Europe, après 1792, en introduisant l’idée d’une nécessaire séparation entre pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

 C’est toutefois à la Renaissance que sont mis à jour 2 éléments consubstantiels et contradictoires de la République : d’une part, le souci de la construction d’un corps social solidaire (très présente dans la pensée de Rousseau) et d’autre part, celui de la liberté individuelle (Montesquieu).

 L’histoire de notre République, est celle d’une constante recherche d’équilibre entre ces 2 principes. La devise « Liberté, Egalité, Fraternité », qui a connu elle aussi quelques tribulations avant d’être adoptée sous la IIIème République et de figurer dans la constitution de 1958, témoigne de cette recherche de synthèse, mais l’équilibre s’est souvent rompu soit au profit de la domination de l’Etat (bonapartisme), soit à celui de la liberté économique ...On le voit aujourd’hui...

 L’histoire de notre République est aussi, bien sûr, éminemment, celle d’une révolte contre la féodalité, contre l’accaparement des pouvoirs par un monarque prétendûment de droit divin, contre la monopolisation des droits par une caste sociale, la privatisation de l’espace public, l’assujettissement des faibles à la loi du plus fort. (NB : le premier réflexe a toutefois été celui de la construction d’une monarchie constitutionnelle, mais cela n’a pas duré longtemps, du fait de Louis XVI)). Les révolutionnaires étaient attachés au principe d’un bien commun ainsi que d’un espace public et garanti à tous.

 D’où notre attachement aux droits, aux droits des citoyens, chèrement acquis et évoqués dans la D.D.H.C. de 1789). Pour nous français, rappellent les auteurs du Mémento, « la République s’oppose à tout système qui considère l’individu comme soumis à des règles qui ne seraient pas issues du corps social, qu’elles émanent de dieux, de dictateurs, d’intérêts privés ou de groupes, voire d’experts, considérés comme détenteurs de la vérité et échappant à tout contrôle de la société... En s’opposant aux différents systèmes oligarchiques, la République suppose la construction d’une communauté de citoyens libres et égaux en droit.  » C’est aussi pourquoi, contrairement aux pays anglo-saxons, nous préférons la loi au contrat.

 La Monarchie constitutionnelle que les révolutionnaires ont d’abord tenté d’instituer se concevait dans un « Royaume un et indivisible » (constitution de 1791). Lorsqu’ils proclament la 1ère République, le 22 septembre 1792, ils la déclarent évidemment « une et indivisible », une expression qui sera partiellement reprise dans la constitution de 1958, où « une » ne figure pas.

 La République que nos ancêtres révolutionnaires ont construite, a posé un début de fondations pour la loi de séparation des églises et de l’Etat de 1905. Affirmant la liberté de conscience, supprimant violemment les privilèges ecclésiastiques, elle n’a pas su éviter les travers du gallicanisme, parce qu’elle était convaincue de l’importance de la religion dans la société et qu’elle en faisait la source principale de la morale. Mais elle a mis la République sur la voie de la laïcité. Le refus de l’Eglise de reconnaître la stricte égalité des croyants et des athées dans les institutions publiques a provoqué la vague d’anticléricalisme qui a conduit à la loi de 1905. Mais l’idée première de l’idée laïque reste la recherche de ce qui unit tous les êtres humains.

 En proclamant que le principe de la République est « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » (article 2 de la constitution, notre République rencontre la Démocratie (pouvoir émanant du peuple) . L’avènement de la République a coïncidé avec celui du suffrage universel (1792, 1848, 1871)... Même s’il fut réservé aux hommes jusqu’en 1944, en dépit des plaidoyers de personnalités comme Condorcet ou Olympe de Gouge ... La République rencontre la démocratie mais ne se confond pas avec elle....(« la République agit dans l’intérêt de la Nation tout entière, la démocratie n’a pour vocation que de satisfaire les demandes de la majorité » ; « la démocratie maintient et valorise les diversités », la République recherche l’unité ; « la République est en fait le parachèvement de la démocratie »).

 Enfin, si le quatrième pilier de notre République est social, c’est que notre pays a une forte tradition de luttes sociales parfois durement réprimés par...la République elle-même : insurrection de juin 1848 : révolte du peuple de Paris contre la fermeture des Ateliers nationaux ( Organisation destinée à donner du travail aux chômeurs parisiens après la révolution de février 1848 ; l’Etat fournissait et payait le travail... Cela a duré 3 mois ) ; massacre de la Commune en 1871 ; victimes de Fourmies le 1er mai 1891 ...). Les débuts de la Révolution française ont été marqués par la conception la plus favorable aux intérêts de la Bourgeoisie. D’où l’incompréhension voire l’hostilité des ouvriers de cette époque à l’égard de la république. En ligne de mire, la loi Le Chapelier adoptée en 1791, pour proscrire les mouvements ouvriers, notamment les corporations de métiers, les mouvements paysans... et qui ne sera abrogée qu’en 1901, expliquant l’opposition du mouvement ouvrier au principe même de République. Ce sont la pensée et l’action de Jean Jaurès qui sont à l’origine de la République sociale. Jaurès voyait dans les conflits sociaux « une force créatrice pour la République ».

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Cette rapide approche historique nous a expliqué le choix fait par la France, différent de celui des 135 autres pays déclarés comme Républiques, quant à ses principaux piliers. Il faut maintenant souligner que si république sans majuscule réfère au gouvernement, à l’institution, au régime politique, l’utilisation de la majuscule indique que J.P. Sakoun se situe au niveau de l’idée, de l’idéal et rappeler que la République se fonde sur des principes qui se veulent universels et qu’ elle vise l’émancipation des êtres humains, l’émergence d’une communauté de citoyens libres, aptes à vivre en paix et à construire à terme une société juste et fraternelle.

C’est pourquoi le premier pilier , « l’indivisibilité », est tellement déterminant.

La République indivisible, condition préalable à la laïcité la démocratie, le social.

Toupie : « L’expression République indivisible est une notion d’organisation de la France caractérisée par :

• un Etat unitaire
• l’unité du peuple
• un droit uniforme qui s’applique de manière identique sur tout le territoire
• l’égalité de tous les citoyens sans distinction (art 1 de la constitution) devant la loi
• l’élaboration de la loi dans un lieu unique (l’Assemblée nationale), représentant la souveraineté nationale
• l’usage exclusif du Français dans la vie publique »

« la France est une République indivisible , laïque, démocratique et sociale ; elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. »

Assurer l’indivisibilité de la République est un idéal exigeant qui réclame un supplément d’âme, le respect d’une éthique personnelle et collective. Car, de quoi s’agit-il réellement ?

« La République indivisible, en se fondant sur la recherche permanente de l’unité nationale, des intérêts communs à tous les citoyens, tout en valorisant la liberté de conscience et d’expression, dépasse les particularismes pour atteindre une transcendance des clivages qui se veut unificatrice. C’est cela qu’on appelle l’intérêt général » rappellent les auteurs du Mémento.

Il faut donc forger un contexte favorable en prenant les bonnes mesures et en formant les citoyens pour qu’ils deviennent capables de dépasser leurs différences et d’ œuvrer pour le bien commun, qu’ils soient simples citoyens, représentants associatifs ou élus de la République.

Prendre les bonnes mesures :

 c’est ainsi qu’est née l’école publique, école de la République, libre et gratuite, chargée d’émanciper les esprits en développant l’esprit critique et de former le futur citoyen

 c’est ainsi qu’ont été prises les irremplaçables lois sur la liberté de la presse, la liberté d’association

 c’est la loi de 1905 instituant la laïcité qui reste inégalable pour concilier la diversité des êtres humains et l’unité d’un cadre commun à tous, qui constitue un rempart contre le morcellement communautariste de l’espace public. Un espace public qui consiste, nous dit Henri Pena Ruiz, à « faire du peuple tout entier, sans privilège ni discrimination, la référence de la communauté politique ». C’est bien la laïcité qui fait que la République peut réellement devenir cette « chose commune à tous ». Population indivise se disait Laos en grec...

Il n’est donc pas étonnant que dans l’ordre scrupuleux des principes, laïcité vienne immédiatement après indivisibilité, formant à la fois la clef de voûte du dispositif et la condition de l’existence et surtout du bon fonctionnement de la démocratie. Jaurès nous dit même :

« Si la démocratie fonde en dehors de tout système religieux toutes ses institutions, tout son droit politique et social, famille, patrie, propriété, souveraineté, si elle ne s’appuie que sur l’égale dignité des personnes humaines appelées aux mêmes droits et invitées à un respect réciproque, si elle ne se dirige sans aucune intervention dogmatique et surnaturelle, par les seules lumières de la conscience et de la science, si elle n’attend le progrès que du progrès de la conscience et de la science, c’est-à-dire d’une interprétation plus hardie du droit des personnes et d’une plus efficace domination de l’esprit sur la nature, alors j’ai bien le droit de dire qu’elle est foncièrement laïque, laïque dans son essence comme dans ses formes, dans son principe comme dans ses institutions, et dans sa morale comme dans son économie. Ou plutôt, j’ai le droit de répéter que démocratie et laïcité sont identiques. » (1904, devant les élèves du collège de Castres).

Car si l’on veut former des esprits libres et éclairés, créer les conditions favorables au dépassement des particularismes et des intérêts privés, c’est bien pour permettre à l’espace public de devenir ce lieu de débats et d’échanges, ce lieu d’expression des conflits mais aussi de recherche de la résolution de ces conflits par la raison, c’est parce que l’on veut progresser dans la réalisation de l’idéal humaniste qui est, au fond, celui de la République et non régresser et risquer un retour vers une forme actualisée de l’Ancien Régime.

Parmi ces conflits, bien sûr, viennent souvent, en premier lieu les conflits sociaux : lutte contre les inégalités, les discriminations, critique des insuffisances des politiques menées, refus de l’affaiblissement des moyens scolaires et des services publics, soumission du politique à la finance et à l ’’économique... Ces expressions sont nécessaires... La paix sociale qu’implique le système républicain n’est pas celle du silence, mais celle de la recherche du progrès social qui passe par des phases de crises, plus ou moins rapprochées, plus ou moins nombreuses.. Mais que nous ne sommes peut-être pas assez imprégnés des valeurs et de l’idée républicaine pour savoir dépasser, mettant par la-même en danger la République, accusée à tort de tous les maux...

Hugo comme Jaurès ont rappelé combien les solidarités sociales sont nécessaires pour donner vie à l’égalité de droits. Ils ont ardemment désiré l’avènement d’une République laïque et sociale.

Vouloir une République sociale, c’est refuser toute soumission à des élites déjà favorisées, quelles qu’elles soient, et « vouloir un système de promotion sociale pour tout citoyen acceptant de vivre selon les exigences imposées par la chose publique », ne pas s’accommoder des inégalités sociales.

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Conclusion : Quand on retire un de ces termes ou qu’on le nie, c’est toute la République qu’on nie. »

Nous l’avons vu, l’indivisibilité crée un cadre d’ouverture, favorable à la réalisation du bien commun. Il conditionne l’existence de la laïcité, qui, de son côté, en est un instrument indispensable dans la mise en œuvre du lien entre tous les hommes. La démocratie, sans la République et sans cette exigence de dépassement des particularismes et cette séparation du religieux, apportées et renforcées par la laïcité, résisterait mal à la fragmentation sociale et à la loi du plus fort, ruinant toute perspective de solidarité sociale.

Mais ce qui menace le plus la République, c’ est l’insuffisante participation des citoyens ainsi que les comportements égoïstes et peu vertueux de ceux qui sont supposés la servir, la faire respecter et la promouvoir. Entre ceux qui pensent la République, la citoyenneté, la laïcité, la démocratie, comme des acquis définitifs et ceux qui ne voient que les insuffisances, les manques et les faiblesses d’un Etat républicain qu’ils confondent avec la République, lorsqu’ils ne considèrent pas les principes républicains comme une gêne, et qui en viennent à remettre en cause tous les principes dont le suffrage universel, l’avenir de la République se trouve à nouveau au cœur de la crise politique et sociale que traverse notre pays.

Triomphera-t-elle une nouvelle fois comme elle a si bien su le faire au sortir de la 2ème guerre mondiale ? D’où viendra le supplément d’âme nécessaire pour remettre l’humanisme républicain en marche ?

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