La religion dans les constitutions de la France depuis 1789 (5) )

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Pour la réunion du 18 septembre 2019 (suite 5), par N.Z.

La charte Constitutionnelle du 4 juin 1814.

Depuis la retraite de Russie en novembre 1812, l’empire ne pouvait plus durer longtemps.

Le Sénat et le corps législatif proclamèrent la déchéance de Napoléon le 2 avril 1814 et demandèrent à Louis XVIII, alors émigré en Angleterre, de monter sur le trône.

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Le 6 avril, à Fontainebleau, Napoléon signa son abdication. Il n’était pas question de restaurer la monarchie absolue. Le gouvernement britannique et le tsar Alexandre de Russie estimaient que la France devait avoir une constitution. Le Sénat fut chargé de rédiger un projet.

Une commission se mit en place : elle décida ne s’inspirer des constitutions françaises de 1791 et de l’an III, ainsi que des institutions britanniques.
Au soir du 2 avril, la commission avait terminé la rédaction d’un avant-projet qu’elle soumit à une assemblée composée du gouvernement provisoire dont faisait partie Talleyrand.

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Les libéraux voulaient rétablir les dispositions de 1791, notamment celle relative à la liberté de cultes et de la presse. Souvent ces deux notions sont liées.

LE 4 avril, nouvelle réunion : on décida que Louis XVIII serait « appelé » au trône.
Puis, sous l’influence de Montesquiou qui se fit l’avocat des royalistes, la commission attribua le pouvoir exécutif au roi seul.

Le 6 avril : adoption du projet
Art 2 : Louis XVIII est appelé librement au trône.
Art 29 : la constitution est soumise à l’acceptation du peuple.
Elle institue pour la première fois en France un régime parlementaire, car les ministres doivent faire partie des chambres.
Les libertés mentionnées dans la déclaration des droits de 1789 : liberté de conscience, des cultes, de la presse, sont garanties.

Le 29 avril, Louis XVIII rentre à Paris. Le 2 mai, il signe la constitution à St Ouen. Elle contient les éléments essentiels d’un régime constitutionnel : 2 chambres chargées de consentir l’impôt, les libertés individuelles, les libertés de presse et de religion.

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Cette déclaration de St Ouen mécontente les ultras qui voulaient le rétablissement de l’ancien régime, mais aussi les libéraux qui voulaient que la souveraineté du peuple fût proclamée.
Il en résulta une violente campagne de presse au sujet de la constitution.
La déclaration de St Ouen prévoyait que la constitution serait élaborée par le roi avec le concours des assemblées. Le roi décida de choisir lui-même les membres de ces assemblées. Les discussions les plus vives portèrent sur 4 points, notamment la question religieuse.

1/ La forme du gouvernement : les royalistes la jugèrent inutile parce qu’elle allait de soi...

2/ les articles relatifs à la religion.
Les commissaires protestants Boissy d’Anglas et Chabaud Latour demandèrent l’établissement de la liberté complète et l’égalité des cultes « une religion d’Etat est une religion dominante, et une religion dominante devient une religion persécutrice »

3/ l’article relatif à la liberté de la presse jugé trop vague.

4/ les articles relatifs à la vente des biens nationaux.

La discussion fut close le 28 mai et le texte promulgué le 4 juin.
Ce texte comporte un préambule et 76 articles.
Ce préambule est la partie du texte qui fait le plus référence à la Restauration. Les royalistes voulaient montrer qu’ils rejetaient la révolution. Ils firent rejeter le terme de constitution ou d’acte constitutionnel qui sentaient trop la révolution.

Le terme de charte fut adopté après débat. Elle fut datée de la 19ème année du règne de Louis XVIII. La première phrase du préambule marque que la charte est octroyée par la volonté royale et non discutée, votée et acceptée par le peuple Français.
Mais hormis le préambule, la charte est bien dans la lignée des autres constitutions à la demande expresse de Louis XVIII : elle s’inspire des institutions britanniques. Il s’agit d’un compromis entre les principes de l’ancien régime : autorité du roi tenu de la divine providence et des principes de la révolution.

Egalité : ... devant la loi ... devant les impôts ... dans l’admission aux emplois
Liberté de conscience, des cultes (même si le catholicisme est déclaré religion d’Etat)

Charte constitutionnelle du 4 juin 1814

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Le texte comme commence ainsi : « La divine providence, en nous rappelant dans nos Etats après une longue absence, nous a imposé de grandes obligations. La paix était le premier besoin de nos sujets. Nous nous en sommes occupés sans relâche et cette paix si nécessaire à la France est signée. »

Dans la partie consacrée « au droit public des Français »
Art 5 stipule : « chacun professe sa religion avec une égale liberté et obtient par son culte la même protection.
Art 6 : cependant la religion catholique apostolique et romaine est la religion de l’Etat
Art 7 : les ministres de la religion catholique apostolique et romaine et ceux des autres cultes chrétiens, reçoivent seuls des traitements du trésor Royal.

L’acte additionnel aux constitutions de l’empire, du 22 avril 1815

La charte était un compromis. Pour les libéraux, c’était un minimum, qu’il convenait de développer. Pour les « ultras » royalistes, il s’agissait au contraire d’un maximum de concessions, concessions qu’il fallait restreindre.
Ces derniers firent d’abord prévaloir leurs volontés.
La plupart des ministres leur étaient dévoués, sauf 2 : Talleyrand qui partit rapidement pour Vienne pour négocier une paix générale et le Baron Louis, ministre des Finances, vite réduit à ses attributions techniques.
Les ultras imposent le drapeau Blanc, emblème de la contre-révolution.
Ils multiplient les services religieux en l’honneur des victimes de la révolution.
Les émigrés qui rentrent, appuyés souvent par le Clergé et son association secrète, l’Aa*, entament une campagne en faveur de la restitution des biens nationaux.

Bref le climat politique se tend ... La résistance aux excès de la Restauration et bientôt à la restauration elle-même s’organise.
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A l’île d’Elbe, Napoléon était aux aguets. Le 1er mars 1815, il débarque au golfe Juan ; en passant par les Alpes, il rallie les paysans républicains. Le 20 mars, il entre à Paris.

Le 10 mars, lors de son passage à Lyon, il promet une nouvelle constitution.
Il réunit une "commission de constitution", composée notamment de Carnot et Cambacérès. Cette commission fut unanime à se prononcer pour un texte assez voisin de celui de la charte.

Pour aller vite, Napoléon confia la rédaction de cette constitution à Benjamin Constant, un adversaire de l’empire qui comparait Napoléon à Attila.
Il lui dit : « Voyez donc ce qui vous semble possible ; apportez-moi vos idées : des discussions publiques, la liberté de la presse, des élections libres, des ministres responsables (...) je veux tout cela (...)je vieillis. On n’est plus à 45 ans ce qu’on était à 30. Le repos d’un roi constitutionnel peut me convenir, il conviendra plus surement encore à mon fils... »
Benjamin Contant accepta. Il prit la charte de 1814 et l’amenda selon les vœux des libéraux. Il se heurta à l’empereur sur plusieurs points, notamment sur le mot constitution que souhaitait imposer Constant.

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Napoléon pour montrer la continuité de son pouvoir décida que le texte serait appelé « acte additionnel aux constitutions de l’empire ». La partie la plus importante de cet acte est le titre VI qui est une espèce de déclaration des droits. On y trouve :
L’égalité devant la loi, les impôts, l’accession aux emplois civils et militaires, les garanties de la liberté individuelle, la liberté des cultes, sans aucune restriction.
Cette Constitution qui resta pour l’histoire « la Benjamine » fut approuvée par le "comité de constitution" et par le Conseil d’Etat le 21 avril ; elle fut promulguée le 22.
L’opinion populaire regretta que le texte n’ait pas rétabli le suffrage universel.
Elle fut soumise à « plébiscite » ; elle obtint : 1 305 206 oui
4206 non
5 000 000 abstentions
Elle ne fut appliquée que pendant 2 mois.

L’histoire reprit son cours. Le 21 juin, 3 jours après Waterloo, l’empereur abdiqua. Louis XVIII rentra à Paris et remis en vigueur la charte de 1814, mais dans un sens assez libéral.
Petit à petit, nous dit Godechot, la France, fit, grâce à elle, l’apprentissage du régime « parlementaire ».

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La charte Constitutionnelle du 14 Août 1830

La charte de 1814 avait donc été appliquée dans un sens assez libéral par Louis XVIII, c’est-à-dire sans recourir à l’article 14 qui permettait de légiférer par ordonnance dans le cas où il jugerait la « sûreté de l’Etat menacée ».
La chambre, elle, vota des mesures nettement réactionnaires, notamment le rétablissement du droit d’aînesse (mais dans des limites fort étroites), une loi punissant le sacrilège, une autre limitant sérieusement la liberté de la presse périodique.
Ces lois se heurtèrent à une opposition grandissante.

Charles X qui devint roi en 1824 et son premier ministre Villèle pensèrent que de nouvelles élections ramèneraient une majorité renforcée. La Chambre fut dissoute le 5 novembre 1827. Contrairement aux espoirs du roi, la nouvelle chambre fut plus libérale.

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Charles X joua d’abord le jeu parlementaire : il accepta la démission de Villèle et confia le 5 janvier 1828 la présidence du Conseil à un libéral : Martignac. Celui-ci fut mis en minorité sur une loi réorganisant les collectivités locales ; il démissionna.
Charles X ne tint plus compte de l’équilibre des forces et forma un ministère « ultra ».

Le 8 août le prince de Polignac devint président du Conseil. Cela heurta le pays.
Les libéraux surent dès novembre 1829 que les ultras allaient tenter un coup d’Etat, pour modifier la charte dans un sens conservateur, ou rétablir la monarchie absolue.
Charles X essaya encore d’en appeler au pays : il convoqua de nouvelles élections après avoir dissous la Chambre. Résultat : les libéraux étaient 221 contre 181 pour les ultras.
Charles X se décida alors au coup d’Etat. Il publia 4 ordonnances :
1 : suppression de la liberté de la presse.
2 : dissolution de la chambre.
3 : modification de la loi électorale Désormais seule la contribution foncière serait prise en compte pour la fixation du cens électoral
4 : fixation des élections aux 3 et 13 septembre 1830

Cela provoqua la révolte de Paris.

Le 29 juillet des députés libéraux réunis chez l’un des leurs, le banquier Laffitte, constituèrent une commission municipale et nommèrent le Général la Fayette commandant de la garde nationale parisienne.
Les insurgés des quartiers de l’est de Paris criaient « Vive la république ».
Les « bourgeois » libéraux ne tenaient pas à la République : ils avaient peur d’un retour de 1793 et de la terreur. Les journaux libéraux écrivaient : « Il nous faut une république déguisée sous une monarchie ».

Le duc d’Orléans, cousin du roi, paraissait être l’homme des libéraux. Deux jeunes journalistes Thiers et Mignet allèrent le chercher à Neuilly.

Le 31, Louis Philippe se rend à l’hôtel de Ville et sur le balcon, dans les plis du drapeau tricolore, il donne l’accolade à La Fayette qui semblait pourtant disposé à proclamer la république. Voilà pourquoi, selon la formule consacrée, on a pu dire que : « Le baiser républicain de la Fayette a fait un roi »

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Charles X ne peut que reconnaitre le fait accompli. Lui et son fils prennent la route de l’exil en Angleterre.
Les libéraux veulent une constitution plus démocratique. Ils veulent un trône entouré d’institutions républicaines. Certains, appuyés par les ouvriers de Paris, réclament le suffrage universel.

Le député Bérard présenta un projet qui comportait notamment l’égalité des cultes. Mais aussi l’élection des assemblées départementales et communales, l’initiative des lois accordée aux deux pouvoirs. Louis Philippe, estimait Bérard, ne devait être proclamé roi que s’il acceptait ces conditions ...

Une commission fut créée. Le 6 août, l’un des commissaires Dupin déposa un projet.
Ce projet fut voté et promulgué le 14 juin après que Louis -Philippe d’Orléans eut prêté serment au texte et fut proclamé roi des Français.
Pour marquer les différences entre son règne et les précédents, il décida de se faire appeler non Philippe VII mais Louis Philippe 1er. Il adopta le drapeau tricolore, c’est-à-dire celui de la révolution.
L’ancien préambule disparut, ce qui signifiait de manière indirecte que la charte n’était plus octroyée, mais qu’elle émanait de la volonté de la nation.

Parmi les principales modifications :

La religion catholique n’est plus la religion d’Etat : elle est seulement reconnue comme la religion « professée par la majorité des français ».
Art 5 : chacun professe sa religion avec une égale liberté et obtient pour son culte la même protection.
Art 6 : les ministres de la religion catholique, apostolique et romaine, professée par la majorité des français, et ceux des autres cultes chrétiens, reçoivent des traitements du trésor public.

La constitution républicaine du 4 novembre 1848

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Dès le début de la monarchie de juillet, il se forma 2 partis à la Chambre : celle du « mouvement » qui considéra la charte du 14 août 1830 comme une base de départ pour l’établissement d’un vrai régime démocratique et le « parti de la résistance » qui la considérait comme contenant un maximum de concession à ne pas dépasser.
De 1830 à 1840 les deux partis alternent au pouvoir.

A partir de 1840, le parti de la résistance s’installe au pouvoir avec Guizot : il refuse obstinément toute nouvelle modification de la loi électorale. « Enrichissez-vous ! » répond Guizot aux députés de gauche !
Le mécontentement s’accroit ; il est avivé par une grave crise économique violente en 1847/1848 à la suite d’une récolte désastreuse.
Les manifestations se multiplient. Une manifestation réformiste (qui réclame une modification de la loi électorale) est interdite le 22 février 1848, ce qui provoque une émeute à Paris. Le 23, une fusillade transforme l’émeute en révolte. Le 24, les insurgés prennent le château des Tuileries, demeure du roi. C’est la révolution. Louis -Philippe abdique. La république est proclamée.

Un gouvernement provisoire constitué avec des républicains pour moitié démocrates et pour moitié libéraux, un théoricien socialiste Louis BLANC et un ouvrier Albert. L’homme le plus éminent est le poète Lamartine.

Ce gouvernement veut reprendre la tradition républicaine et faire rédiger la nouvelle constitution par une assemblée constituante comme en 1789 ou 1792 et non par une commission comme cela se passe depuis 1800.
Il décide qu’une constituante sera élue au Suffrage universel. Cette élection est fixée au 23 avril malgré la pression des socialistes qui souhaitent une élection plus tardive.
7 800 000 votants, ce qui est considérable (sur 9 400 000 inscrits).
Les démocrates et socialistes n’obtiennent que 100 sièges sur 880 ; les républicains modérés 500 ; les orléanistes 200 ; les légitimistes 100.

Les travaux pour rédiger la constitution tardent du fait des troubles dus à la reprise de la crise économique et au chômage.

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A Paris, les ateliers nationaux sont constitués pour employer les chômeurs. 100 000 ouvriers sont réunis au Champs de Mars (75 professions).

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La constituante prononça le 30 mai, la dissolution de ces ateliers. Le 21 juin, ce fut la révolte des ouvriers.

Mais à la différence de ce qui s’était passé en juillet 1830 ou en février 1848, le gouvernement l’emporta après 3 journées de lutte (3000 morts et 5000 blessés).
Un comité de constitution avait été élu le 17 mai à la proportionnelle des députés. Il choisit pour président un spécialiste du droit constitutionnel : un républicain modéré Cormenin.
Le 22 mai, il proposa un plan de travail : discussion des principes (rédaction éventuelle d’une déclaration des droits), puis étude des pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire. Établissement d’un référendum et d’une procédure de révision.

La discussion se concentra sur « le droit au travail » en référence à la constitution de 1793 : "le droit au travail est celui qu’a tout homme de vivre en travaillant. La société doit, par les moyens généraux et productifs dont elle dispose et qui seront organisées ultérieurement, fournir du travail aux hommes valides qui ne pourraient se procurer de l’ouvrage".
Le pouvoir exécutif est confié à un président de la République élu au suffrage universel pour 4 ans.

Le projet fut rédigé, puis envoyé aux bureaux de l’assemblée (au nombre de 15).
Des PV nous sont parvenus : ils attestent que le travail a été approfondi.

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Thiers attaqua violemment « le droit au travail ». « C’est une hérésie, une théorie fausse que l’expérience a condamnée ». « Les ouvriers assurés du lendemain cesseront de porter leurs économies dans les caisses d’épargne. »
Duverger de Hauranne estima que le droit au travail était un « appel à la guerre civile »
Il demanda aussi d’éliminer le droit à l’assistance et le droit à l’instruction.
D’autres délégués voulaient qu’on se bornât au droit à « l’instruction élémentaire ».
Presque tous les délégués acceptèrent l’élection du président au suffrage universel. Plusieurs demandèrent que les Bonaparte fussent inéligibles.

Après avoir entendu toutes les observations, le comité procéda à la révision de son projet. Il supprima du préambule le droit au travail et le remplaça par « un droit à l’assistance ».
Armand Marrast, député de la Haute Garonne, déposa le 31 août le projet de constitution dans un état définitif.
Il l’avait fait précéder d’un rapport qui insistait sur le suffrage universel qu’il présentait comme une panacée, capable de résoudre tous les problèmes. Il considéra comme un dogme la devise de la République. Liberté égalité fraternité, en mettant l’accent sur le dernier terme.
«  La fraternité, servant d’origine aux institutions, inspirant les lois de son souffle, animant l’Etat tout entier de son esprit »

Le débat à l’Assemblée fut soigneusement organisé du 4 septembre au 27 octobre. Lamartine fit voter après un bref discours lyrique le préambule aux principes de la république. A Liberté égalité fraternité fut rajouté par Théodore Ducos Famille, travail, propriété, Ordre public.

Le droit au travail déchaina les passions pendant 5 jours. Lamartine fit finalement voter l’article VIII qui déclarait que la République devait « mettre à la portée de chacun l’instruction indispensable à tous les hommes » et « assurer l’existence des citoyens nécessiteux par une assistance fraternelle, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources soit « en donnant à défaut de la famille des secours à ceux qui sont hors d’état de travailler »

Plusieurs députés dont Victor Hugo proposèrent l’abolition de la peine de mort ; elle ne le fut qu’en matière politique.
Quelques amendements réclamèrent la séparation de l’Eglise et de l’Etat déjà établie en 1795, mais supprimée par le concordat de 1801.
Ils furent rejetés après de brèves discussions.

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Montalembert proposa que soit reconnue la liberté d’enseignement. Il affirma que le monopole que l’Etat s’était arrogé depuis 1806 était « un communisme intellectuel ». Il attaqua violemment l’enseignement officiel « inférieur » dit-il à celui de l’Ancien régime.
Il démontra (ou tenta de démontrer) que le seul moyen de défendre la propriété, était le développement de la religion, donc de l’enseignement religieux
Mais il ne put faire modifier l’article qui stipule que « l’enseignement est libre » et en faire retrancher la deuxième phrase « la liberté d’enseignement s’exerce selon les conditions de capacité et de moralité déterminées par les lois et sous la surveillance de l’Etat ».

La constitution de 1848 apparait comme une œuvre assez disparate et peu réaliste : elle tente de combiner le système monocamériste imité des constitutions de 1791 et 1793 avec le système présidentiel américain.
Mais sans trancher en faveur d’un système contre un autre.
Elle a créé 2 pouvoirs également forts, tous les deux issus du système universel, sans établir un organisme chargé de maintenir l’équilibre et de trancher les conflits.

Préambule
En présence de Dieu et au nom du Peuple français, l’Assemblée nationale proclame :

III. - La République doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa religion, sa propriété, son travail, et mettre à la portée de chacun l’instruction indispensable à tous les hommes ; elle doit, par une assistance fraternelle, assurer l’existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d’état de travailler. - En vue de l’accomplissement de tous ces devoirs, et pour la garantie de tous ces droits, l’Assemblée nationale, fidèle aux traditions des grandes Assemblées qui ont inauguré la Révolution française, décrète, ainsi qu’il suit, la Constitution de la République.

Article 7. - Chacun professe librement sa religion, et reçoit de l’Etat, pour l’exercice de son culte, une égale protection. - Les ministres, soit des cultes actuellement reconnus par la loi, soit de ceux qui seraient reconnus à l’avenir, ont le droit de recevoir un traitement de l’Etat.

Article 9. - L’enseignement est libre. - La liberté d’enseignement s’exerce selon les conditions de capacité et de moralité déterminées par les lois, et sous la surveillance de l’Etat. - Cette surveillance s’étend à tous les établissements d’éducation et d’enseignement, sans aucune exception.

Constitution du 14 janvier 1852

Le 10 décembre 1848, Louis Napoléon Bonaparte est élu président de la république par 5 434 226 voix contre 1 900 000 à ses quatre concurrents.
En plus du poids de son nom, cette élection triomphale lui confère un pouvoir très fort qui fut accentué par une Chambre élue le 13 mai 1849 par un petit nombre de citoyens. Thiers se rendit très vite compte de son erreur, lui qui avait dit de Louis Napoléon Bonaparte  : « C’est un crétin qu’on mènera ».

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Dès octobre 1849, LNB revoie les ministres en les remplaçant par des hommes pris en dehors de l’assemblée.
Il rompait donc avec le régime parlementaire pour s’orienter vers la dictature.
Dès lors, le conflit fut permanent entre le prince – président et l’assemblée.
Il augmenta en 1850 au fur et à mesure que grandissait le parti bonapartiste.

A l’exemple de son oncle, il envisagea son accession à l’empire en deux étapes.
La première : se maintenir au pouvoir malgré l’article de la constitution qui stipulait que le président élu pour 4 ans (mi-mai 1852) n’était pas immédiatement rééligible. Dès le mois de mai 1851, LNB provoqua la création, à Paris, d’un comité central de révision de la constitution qui réclama la modification de cet article.
Le comité organisa une campagne de pétitions dans ce but... L’assemblée compta 1 365 000 signatures.
La révision fut discutée à l’assemblée du 14 au 19 juillet 1851. Elle fut votée par 446 voix contre 278, c’est-à-dire les deux tiers, mais l’article 111 de la constitution exigeait les trois quarts des voix. Il ne pouvait y avoir de révision ...

LNB dut donc recourir au coup d’Etat.
Il le prépara en plaçant aux postes clés des amis sûrs : Magan, commandant des troupes de Paris, le général Saint Armand, ministre de la guerre, Maupas préfet de Paris.
LNB fixa la date dans la nuit du 1er au 12 décembre pendant une réception à l’Elysée. 14 Députés et 62 chefs républicains et monarchistes furent arrêtés à leur domicile. En même temps les troupes occupèrent les points stratégiques.

Deux proclamations furent affichées.
La plus importante : l’appel au peuple. Il expliquait que l’assemblée « était devenue un foyer de complot » en conséquence de quoi elle était dissoute.
Le président déclarait « rendre le peuple entier juge » entre elle et lui.
Il déclarait, comme le premier consul, vouloir fermer l’ère des révolutions et esquissait les principaux traits de la nouvelle constitution qu’il avait l’intention de proposer au peuple :
-  Pouvoir exécutif fort aux mains d’un chef responsable nommé pour 10 ans.
-  Ministres dépendants de ce seul chef
-  Conseil d’Etat « formé par les hommes les plus distingués »
-  Corps législatif élu au suffrage universel uninominal.
-  Seconde assemblée « formée de toutes les illustrations du pays, pouvoir pondérateur, gardien du pacte fondamental et des libertés publiques »

L’autre proclamation était un appel aux soldats : « Vous êtes l’Elite de la Nation »
Il y eu quelques tentatives de résistance. Mais cette résistance, vite brisée, n’empêcha pas LNB de faire ratifier par un plébiscite son coup d’Etat. Le référendum eut lieu les 21 et 22 décembre. La question « le peuple français veut le maintien de l’autorité de LNB et lui déléguer les pouvoirs nécessaires pour établir une constitution sur les bases proposées dans la proclamation ».
7 436 216 oui, 646737 non, 36 880 bulletins nuls
Plus de oui que lors de son élection… La sincérité du référendum a été suspectée ….

LNB confia à une commission le soin de rédiger la nouvelle constitution.
La commission siégea en secret à l’Elysée, sans tenir de PV... mais quand le prince lui demanda le 11 janvier son projet elle ne put rien lui présenter.
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Elle travailla en hâte et, dit-on, en moins de 24 heures, le juriste Troplong rédigea un texte qui fut signé par le président le 14 janvier et publié le 15.
Un préambule exposait les principes du régime : ce sont ceux de la révolution de 1789. Toutefois, il est spécifié que l’égalité est seulement civile et il n’est pas question de fraternité, ni de droits sociaux ; par contre, la supériorité des institutions administratives, judiciaires, financières, religieuses crées sous le consulat et l’empire est reconnue.

Le gouvernement fut pendant 8 ans « autoritaire », mais à partir de 1859, la majorité qui avait soutenu Napoléon III se disloque. Les catholiques notamment sont mécontents de la politique italienne de Napoléon III qui mène à l’unification de la péninsule et donc à la disparition du pouvoir temporel du pape.
Napoléon III trouve un appui chez les libéraux, voire les républicains. A partir de 1860, l’empire dit libéral voit le jour.

Plusieurs sénatus consultes modifièrent cette constitution de manière plus libérale...

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Napoléon IIII franchit le dernier pas pendant l’hiver 1869/1870 : il chargea Emile Olivier de former un gouvernement dans la majorité de la chambre et consacra donc le retour d’un régime parlementaire. Ce fut le but du Sénatus consulte du 20 avril 1870 : il substitue à un empire autoritaire un régime parlementaire monarchique sans doute, mais qui pouvait facilement se transformer en république par la substitution d’un président élu à un empereur.

Les modifications du texte constitutionnel sont validées par un plébiscite le 8 mai 1870.

JPEGTexte de la constitution du 14 janvier 1852

Titre IV du Sénat
Art 20 : le Sénat se compose des cardinaux, des maréchaux, des amiraux, des citoyens que le président de la république juge convenable d’élever à la dignité de sénateur.

Art 25 : le Sénat est le gardien du pacte fondamental et des libertés publiques.

Art 26 : le Sénat s’oppose à la promulgation des lois qui seraient contraires ou qui porteraient atteinte à la constitution, à la religion, à la morale, à la liberté de cultes, à la liberté individuelle, à l’égalité des citoyens devant la loi, à l’inviolabilité de la propriété et au principe de l’inamovibilité de la magistrature.

Cela ne sera pas modifié par les sénatus consultes successifs...

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A suivre

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*Aa : Les "Assemblées des amis" sont des groupes informels et secrets de jésuites, nés au XVIIe siècle dans un but d’entraide et de soutien spirituel. Les "Aa" existent jusqu’au XXe siècle Wikipédia).

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