Pour la réunion du 11 janvier 2017
Dans le droit fil de la conférence du 6 décembre avec Philippe CORMONT
Rappel : la législation concernant les lieux de travail est très différente selon que l’on se situe dans un établissement public ou dans une entreprise privée. La première s’appuie essentiellement sur le principe de neutralité, la seconde sur le principe de liberté de conscience.
Qu’en est-il des faits ?
Selon Charlie (4.01.17) les manifestations de religiosité en entreprise ne sont pas exceptionnelles ; elles sont plutôt banales : "face à ces revendications de moins en moins feutrées, les managers ont dû intervenir dans la moitié des cas signalés en 2016" (contre un quart seulement en 2014) : mise en évidence de la perturbation créée, entretiens de recadrage, sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement ... "L’un des aspects positifs de la loi Travail est la possibilité pour les employeurs d’introduire dans leur règlement intérieur un principe de neutralité religieuse visant à limiter l’expression des convictions personnelles des salariés."
Selon l’Observatoire du fait religieux en entreprise, 65 % des salariés interrogés ont été témoins de plusieurs manifestations en 2016 (tendance en hausse).
Selon le site http://revuefiduciaire.grouperf.com/plussurlenet/complements/guide_fait_religieux_7nov2016_GRF.pdf :
Les faits religieux les plus observés en entreprise se répartissent ainsi en 2016 :
Intervention d’un responsable religieux (21 %),
Port visible de signes religieux (18 %),
Demande d’absence (14 % ),
Demande d’aménagement du temps de travail (8 %),
Prière pendant une pause (7 %),
Stigmatisation d’une personne pour motif religieux (6 %),
Prosélytisme (6 %),
Refus de réaliser des tâches (5 %),
Refus de travailler sous les ordres d’une femme (5 %),
Prière pendant le temps de travail (4 %),
Refus de travailler avec une femme (3 %),
Refus de travailler avec un collègue (1 %),
Prière collective (1 %),
Demande de ne travailler qu’avec des coreligionnaires (1 %).
Nous nous sommes penchés sur une quarantaine de situations plus ou moins complexes. En voici quelques-unes :
Dans un hôpital de M., un mari refuse que sa femme soit reçue par l’infirmier qui gère les urgences. Il s’agit de l’entretien préalable aux soins éventuels. Le responsable des urgences prend en compte son refus et lui donne l’adresse d’un autre hôpital. A-t-il agi correctement ?
Un employeur assigné aux Prudhommes remarque que tous les documents produits par son employé sont à en-tête d’une mosquée. Ces documents sont-ils recevables par le tribunal ?
Après avoir informé son employeur des risques que la réalisation d’un projet ferait courir à sa sécurité en raison de sa confession religieuse, un salarié refuse de prendre en charge ce projet devant se dérouler au Moyen-Orient. Doit-il, peut-il être sanctionné ? (réponse par la Cour de cassation - Chambre sociale,12 juill. 2010, n° 08-45.509 : non).
L’employeur peut-il contraindre un(e) salarié(e) à participer à un repas d’affaires alors que celui-ci ne le souhaite pas en raison de ses interdits alimentaires ?
L’employeur peut-il contraindre un employé à rompre un jeûne motivé par des raisons religieuses, comme le ramadan, ou lui interdire de l’observer s’il estime que cela fait obstacle à la bonne exécution de son travail ? Peut-il le sanctionner pour l’avoir observé ? (réponse : non, mais ... (Cass. ass. plén., 6 janv. 2012, n° 10-14.688).
L’employeur peut-il interdire à un employé d’installer des objets religieux dans son espace de travail ?
L’employeur doit-il/peut-il adapter les horaires de travail en fonction de pratiques religieuses ?
Le comité d’entreprise peut-il financer des projets à portée confessionnelle (pèlerinage à Lourdes, à la Mecque …) ?
Des questionnements et des débats qui furent riches d’enseignements.
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