L’école confrontée au Créationnisme

, par  hdeb , popularité : 12%

En 1925, le Tennessee avait promulgué une loi interdisant, dans les écoles publiques et les Universités, l’enseignement de toute théorie tendant à démontrer que l’homme descendrait d’un ordre animal inférieur et d’utiliser tout livre qui la diffuserait. Candidat au renouvellement de son mandat, le Gouverneur qui avait besoins des voix des ruraux, accepta de signer cette loi, dont il était persuadé qu’elle n’aurait jamais besoin d’être appliquée, que tout le monde serait d’accord et qu’on n’entendrait jamais plus parler de Darwin au Tennessee. Mais quelques jours plus tard, un professeur était accusé d’enseigner la théorie de l’évolution au moyen d’un livre dont un chapitre comportait des citations de l’œuvre de Darwin, « Sur l’Origine des espèces ». Le procès fit un bruit considérable puisque tout fut fait pour cela. L’Association pour les Libertés Civiques (ACLU) ayant annoncé qu’elle prendrait la défense de toute personne poursuivie, un groupe d’hommes d’affaires de Dayton (1800 habitants) décida qu’un procès serait une bonne publicité pour la ville. Un jeune ami de 24 ans, Scopes, qui avait enseigné à titre de remplaçant dans une classe, il était le coach de l’équipe de football, accepta de mener l’affaire bien qu’il ne se souvint pas avoir enseigné cette partie du programme. Mais comme elle se trouvait dans le manuel fournit par l’Etat, les enseignants ne pouvaient faire autrement que d’enfreindre la loi. Il trouva des étudiants prêts à témoigner contre lui. Sa caution de 500$ fut payée par le propriétaire du « Baltimore Sun ».

La réalité dépassa leurs espérances, le procès, baptisé « le procès du singe », réunit plus de 3000 personnes et des centaines de journalistes. La stratégie initiale de la défense est de montrer que l’évolution ne contredit pas la Bible ; mais l’attitude du Juge et de l’accusation vont l’obliger à aller plus loin. Le juge ayant refusé que des scientifiques témoignent, l’accusation restant sur le terrain de l’enseignement de théories malsaines, la défense décida d’attaquer la Bible elle-même en mettant en avant ses contradictions. Elle demanda au représentant du camp adverse de venir témoigner à la barre en tant que spécialiste de la Bible. Celui-ci accepta par fierté. Les questions sur la rationalité de la Bible s’enchaînèrent alors : « si Adam et Eve étaient seuls au monde, comment leur fils Caïn a-t-il pu trouver une femme ? Les poissons ont-ils été noyés eux aussi lors du Déluge ? Comment les journées de 24 heures s’écoulaient-elles avant la création du Soleil le 4e jour ? » Aucune réponse valable ne put être donnée. Finalement, il fallut bien admettre que la Création avait pu durer plusieurs millions d’années, en considérant que les six jours de la Genèse sont en fait six périodes. Ce qui revient à remettre en cause l’interprétation littérale de la Bible.

Le succès médiatique fut tel qu’il symbolise encore aujourd’hui, la victoire de la science sur l’obscurantisme et il fut si spectaculaire qu’Hollywood le rejoua 2 fois (dont « Inherit the winds » en 1960) et la télévision y consacra 3 films. Mais sur le plan judiciaire, le résultat fut décevant, Scopes fut condamné à 100$ d’amende. Après le procès perdu à Dayton, la Cour Suprême des Etats-Unis refusa en 1927 de se prononcer sur le fond disant qu’elle n’avait pas à s’immiscer dans les programmes scolaires, que si la loi prohibait l’enseignement d’une théorie, elle ne demandait pas d’en enseigner une autre et que d’après les témoignages recueillis aucune des religions ne réclamait pour elle-même la théorie de l’évolution étant donnés les désaccords entre leurs membres. Malgré la publicité, et le fait que les anti-évolutionnistes avaient été tournés en ridicule, ces derniers ne désarmèrent pas. En 1927, 13 états avaient des lois anti-évolutionnistes. Et l’ACLU ne put trouver d’autres professeurs pour mener le combat.

En Arkansas, durant les 40 années qui suivirent la loi de 1928, personne ne fut poursuivi pour cette infraction.

Mais dans les années 60, les « nativistes » remettent l’accent sur la création qu’ils opposent à la théorie scientifique de l’évolution. En 1968 une enseignante de Little Rock, Susan Epperson, accepte de mener ce combat pour l’Association de l’Enseignement Public. Le premier juge déclare la loi illégale, mais le procureur fait appel au nom de la jurisprudence « Scopes » de 1925 et l’affaire finit devant la Cour Suprême des Etats Unis. Celle-ci jugea [1]
que cette loi n’était pas neutre sur le plan religieux puisqu’elle n’avait pour but que d’interdire une théorie scientifique au motif qu’elle contredirait une lecture littérale de la Bible. La loi, contraire au 1er Amendement et aussi au 14ème, était donc inconstitutionnelle. Cette décision inaugurait une longue suite de reculs des créationnistes pendant les 10 années suivantes.

Au début des années 80, la Louisiane promulgua une loi pour garantir les libertés des enseignants, qui, sans recommander l’enseignement de la théorie de l’évolution ou du créationnisme, instituait une curieuse égalité de traitement : si on enseigne l’évolution on doit consacrer autant de temps à la création. La Cour Suprême des Etats-Unis décida [2]
que la loi était anticonstitutionnelle, qu’elle n’apportait aucune protection nouvelle des libertés des enseignants. Mais, malgré les témoignages de 72 prix Nobel et 17 académies des Sciences, la Cour ajouta que la « présentation de théories scientifiques diverses » sur les origines de l’humanité était possible dans le cadre de l’instruction de jeunes enfants pourvu qu’elle soit faite dans une intention profane d’améliorer leurs connaissances scientifiques.

Cette décision ne concernait que les écoles publiques puisque les autres écoles pouvaient continuer à enseigner la vision créationniste. Les anti-évolutionnistes se mirent au travail d’arrache pied et deux ans plus tard, était imprimé le livre « Of Pandas and People » qui attaquait la théorie de l’évolution. Pour profiter de l’ouverture fort opportune accordée par la Cour Suprême, les auteurs de l’ouvrage avait pris garde de mentionner l’identité réelle du créateur, le désignant sous le terme de «  dessein intelligent ».

En 2005, des membres du Conseil d’administration du Lycée de Dover en Pennsylvanie, décidèrent que le « dessein intelligent » devait être enseigné à titre d’alternative à la théorie de l’évolution comme explication de l’origine de la vie. Onze parents d’élèves attaquèrent la décision de lire à « haute voix » devant les élèves une déclaration jetant le doute sur la théorie de l’évolution et recommandant la lecture du livre « Of Pandas and People ». Comme les professeurs refusaient de lire cette déclaration, c’est un membre du personnel administratif qui le faisait.

Le procès devant un juge fédéral unique à cause d’une procédure complexe dura trois semaines. Le juge Jones avait été nommé par le président GW Bush. Il rendit un jugement [3]
motivé de 119 pages : il est évident que la théorie du « dessein intelligent » poursuit un but religieux, qu’un enfant même comprend qu’il s’agit du dieu des chrétiens et qu’il ne s’agit en aucune façon d’une théorie scientifique. La décision du Conseil est donc anticonstitutionnelle.

Condamnés à payer plus de 2 millions de dollars en frais de justice, les membres du Conseil d’administration ne furent pas réélus aux élections suivantes.

Ce jugement signe un coup d’arrêt à l’expansion du « dessein intelligent » qui a tourné au fiasco. Mais les Etats-Unis d’Amérique sont l’une des dernières des nations civilisées à accepter que l’homme ne soit pas arrivé sur terre tel qu’il est aujourd’hui.

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