Pour la réunion du 22.09.2021 par P.B.
La laïcité dans la loi confortant le respect des principes de la République
Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021
Comment se fait-il qu’il y ait lieu de conforter le respect des principes de la République ? Ces principes ne seraient-ils pas suffisamment respectés ? Par qui ? Comment ? Dans quel but ? Pourquoi ? L’esprit de nos lois serait-il dévoyé au point de rendre nécessaire une « lettre » plus contraignante avec le risque d’attenter aux libertés ?
La contrainte de temps a fait que nous nous sommes limités aux articles : 1, 2, 3, 5, 6, 9, 10, 12, 14, 21, 50, 51, 52, 56, 62, 103 *
Titre premier : GARANTIR LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE ET DES EXIGENCES MINIMALES DE LA VIE EN SOCIÉTÉ
Chapitre Ier : Dispositions relatives au service public
Article 1 « I. - Lorsque la loi ou le règlement confie directement l’exécution d’un service public à un organisme de droit public ou de droit privé, celui-ci est tenu d’assurer l’égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Il prend les mesures nécessaires à cet effet et, en particulier, il veille à ce que ses salariés ou les personnes sur lesquelles il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction, lorsqu’ils participent à l’exécution du service public, s’abstiennent notamment de manifester leurs opinions politiques ou religieuses, traitent de façon égale toutes les personnes et respectent leur liberté de conscience et leur dignité. »
Dispositions similaires pour les contrats de la commande publique, puis leur exécution : son titulaire est tenu « d’assurer l’égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public ». (Article 2)
Article 3** « Le fonctionnaire est formé au principe de laïcité. »
Code de sécurité intérieure : cet ajout :
« Art. 28 ter.- Les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics mentionnés à l’article 2 désignent un référent laïcité. »
« Le référent laïcité est chargé d’apporter tout conseil utile au respect du principe de laïcité à tout fonctionnaire ou chef de service qui le consulte.
Il est chargé d’organiser une journée de la laïcité le 9 décembre de chaque année.
Les fonctions de référent laïcité s’exercent sous réserve de la responsabilité et des prérogatives du chef de service. »
Article 5 Code général des collectivités territoriales Légalité des actes L. 4142-1
« Lorsque l’acte attaqué (estimé contraire à la légalité) est de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle, ou à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué à cet effet prononce la suspension de [l’auteur] dans les quarante-huit heures. »
Article 6 Un complément : « Art. L. 2122-34-2.- Pour les attributions qu’ils exercent au nom de l’Etat, le maire ainsi que les adjoints et les membres du conseil municipal agissant par délégation du maire dans les conditions fixées à l’article L. 2122-18 (délégations) sont tenus à l’obligation de neutralité et au respect du principe de laïcité. »
Article 9 « Art. 433-3-1. Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait d’user de menaces ou de violences ou de commettre tout autre acte d’intimidation à l’égard de toute personne participant à l’exécution d’une mission de service public, afin d’obtenir pour soi-même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service. »
Article 10 « Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la fonction d’enseignant est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
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Chapitre 2 : Dispositions relatives aux associations, fondations et fonds de dotation
Article 12 ** « Art. 10-1.-Toute association ou fondation qui sollicite l’octroi d’une subvention au sens de l’article 9-1 auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement républicain : l’association s’engage
« 1° à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution ;
« 2° à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ;
« 3° à s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public. »
Article 14 « Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport analysant les possibilités de créer un fonds de soutien aux associations et aux collectivités territoriales promouvant les principes contenus dans le contrat d’engagement républicain, baptisé « Promesse républicaine », sur le modèle du fonds de développement de la vie associative.
Article 21 … les associations mentionnées au second alinéa de l’article 4-1 de la présente loi bénéficiant directement ou indirectement d’avantages ou de ressources versés en numéraire ou consentis en nature par un Etat étranger, par une personne morale étrangère, par tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou par une personne physique non résidente en France tiennent un état séparé de ces avantages et ressources.
Cet état séparé, dont les modalités sont précisées par un règlement de l’Autorité des normes comptables, est intégré à l’annexe des comptes annuels. »
Article 50 « Art. L. 131-11-1.-Ne peuvent être chargées de l’instruction en famille d’un enfant les personnes qui ont été définitivement condamnées par le juge pénal pour crime ou délit à caractère terroriste, ni les personnes inscrites au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes pour une condamnation définitive. »
Article 51 « Art. L. 131-6-1.-Afin notamment de renforcer le suivi de l’obligation d’instruction par le maire et l’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation et de s’assurer ainsi qu’aucun enfant n’est privé de son droit à l’instruction, chaque enfant soumis à l’obligation d’instruction prévue à l’article L. 131-1 se voit attribuer un identifiant national. »
(Note : chaque enfant et non plus élève)
Article 52 A titre expérimental, est mise en place, par l’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation, une journée pédagogique consacrée à la citoyenneté, aux principes républicains, à la transmission des instructions et informations en matière d’éducation au corps et aux droits de l’enfant et à la lutte contre les violences éducatives ordinaires pour les enfants recevant une instruction dans la famille. Cette journée est organisée dans toutes les écoles volontaires.
« Les établissements qui n’ont pas conclu de contrat avec l’Etat se voient proposer par l’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation une charte des valeurs et principes républicains. »
Article 62 .. Formation initiale des enseignants :
« [Les écoles supérieures du professorat et de l’éducation] forment les futurs enseignants et personnels de l’éducation au principe de laïcité et aux modalités de son application dans les écoles, collèges et lycées publics, ainsi que pendant toute activité liée à l’enseignement. »
Article 62 .. Dans le cadre de la formation continue,
[Les écoles supérieures du professorat et de l’éducation] organisent des formations sur le principe de laïcité et ses modalités d’application dans les écoles, collèges et lycées publics, ainsi que pendant toute activité liée à l’enseignement.
Ils organisent également des formations de sensibilisation à l’enseignement pluridisciplinaire des faits religieux et à la prévention de la radicalisation et sur le dialogue avec les parents.
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Titre II : GARANTIR LE LIBRE EXERCICE DU CULTE
Chapitre Ier : Renforcer la transparence des conditions de l’exercice du culte
Article 103 « Le représentant de l’Etat dans le département peut également former opposition à l’ouverture d’un établissement d’enseignement privé afin de prévenir toute forme d’ingérence étrangère ou de protéger les intérêts fondamentaux de la Nation. »
« Le fait d’ouvrir un établissement d’enseignement privé sans en avoir préalablement obtenu l’autorisation délivrée par les autorités compétentes est puni des peines prévues à l’article L. 441-4. »
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Lors de nos échanges, il nous est apparu qu’à travers ces quelques articles, la loi reprend des principes républicains en les précisant. Ils constituent désormais de nouveaux points d’appui pour les juristes. Mais d’où vient exactement cette nécessité de reformuler ces fondamentaux de notre modèle républicain ?
La neutralité, souvent citée, sera-t-elle entendue comme « s’abstenir d’agir » ou par « ni l’un ni l’autre » comme le voudrait son étymologie ?
L’article 6, en creux, signifierait-il que certains maires, et membres de conseils municipaux ne tiendraient pas leur obligation de neutralité et au respect du principe de laïcité ? Voilà qui promet bien des joutes …
Les formations : qui et quel courant va être chargé de la formation des fonctionnaires et des enseignants en particulier : « vivre ensemble » ou « faire société » ? Inclusion ou intégration ? Laïcité adjectivée ou non ? …
L’identifiant national pour tous les enfants réactualise les questions des fichages et de leur cadrage, mais peut aussi se concevoir comme une volonté de protection pour certains enfants déscolarisés.
L’article 52 innove. Il nous paraît cependant bien timide.
L’atteinte à l’ordre public, le jugement du préfet, voilà qui restera encore longtemps sujet à bien des discussions …
Cette loi permettra-t-elle de faire le ménage, dans la distribution des subventions aux associations, par exemple ?
La transparence qu’introduit l’article 21 nous paraît opportune, même si bien des contournements sont à prévoir.
Un membre du groupe, bon connaisseur du Maghreb et des menées des Frères musulmans en Algérie, se dit satisfait des leviers présents dans cette loi permettant de contrer leur prosélytisme dans notre pays.
**Reste à connaître quand et comment le Conseil d’Etat précisera les modalités d’application des articles 3 et 12.
* Nous avions précédemment débattu de l’article 70 qui modifie la loi de 1905, autorisant les associations cultuelles à posséder et administrer les immeubles reçus par dons et legs.
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