Genèse de la liberté de conscience (5) : l’apport de la franc-maçonnerie

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Pour la réunion du 6 juin 2018, par J.B., membre du Grand Orient de France

La part des Francs-Maçonneries dans l’évolution de la liberté de conscience ayant conduit à la loi de 1905

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Extraits d’un exposé très dense d’un membre du G.O.D.F.

— > Repères pour approfondissement (en italique)

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Les Francs-Maçonneries sont des « outils » qui ont accompagné les idées en leur offrant un espace « sacré » - le fanum – permettant à la liberté d’expression de sortir de son milieu profane – profanum -.

Elles n’ont pas créé ces idées, mais elles les ont enrichies et propagées, permettant leur infiltration dans des milieux d’abord privilégiés, puis de plus en plus grand public, en s’opposant à des pouvoirs absolus religieux et royaux adossés l’un à l’autre.

—> En Angleterre : Guillaume le Conquérant (1070), l’astronome Pedro Alfonso, Robert Grossetête ( appliquer les mathématiques à toutes les sciences ), ...

JPEG Au XIIIème siècle, le moine franciscain anglais Roger Bacon affirme : « La preuve par le raisonnement ne suffit pas, il faut en plus l’expérimentation ».

— > la grande Charte (garantir les libertés individuelles), le Franciscain Dun Scot (distinguer le domaine de la foi non soumis au raisonnement dialectique, du domaine du profane qui doit bénéficier de réponses sans mystères) , la naissance de l’université d’Oxford, ....

—>En Europe : le Moyen âge avec Saint Thomas d’Aquin ( distinguer essence et existence), les franciscains, Siger de Brabant, ...

— > Le XIVème siècle anglais avec William Of Ockham
 : [...] les affirmations purement philosophiques qui ne relèvent pas de la théologie ne doivent pas être solennellement condamnées ou interdites par quiconque, car, à propos de telles assertions, n’importe qui devrait être libre de dire librement ce qui lui plaît [ Dialogus , I.2.22]

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— > Le XVIème siècle anglais : Henri VII

—> A Florence (1439) Cosme de Médicis (il obtient du pape la liberté de circulation des ouvrages de l’antiquité grecque et de la philosophie hermétiste), Pic de la Mirandole et la recherche du bonheur de l’Homme sur la terre...

—> En Allemagne : les protestants Martin Luther et Hudrych Zwingly, Kant et son petit opuscule : « Qu’est-ce que les Lumières ? »

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C’est en Angleterre que les idées libres évoluent lentement vers la Franc-Maçonnerie. Nous sommes au XVIème siècle, c’est la renaissance. Thomas More philosophe, théologien, juge et au service d’Henri VIII publie en 1516 « Utopie » qui propose un gouvernement idéal de type démocratique, sans propriété privée et fort de la tolérance religieuse. C’est un modèle humaniste complètement nouveau. Sa mort par immolation ne freinera pas le développement des idées, au XVIIème siècle, par Francis Bacon. Dans son ouvrage « Novum Organum » (1620), il exprime une approche scientifique pour interpréter la nature. Il invente le principe de « progrès des sciences ».

Ce sont ces travaux qui aboutiront en 1645 à créer le fameux « invisible collège », selon Robert Boyle, de l’université d’Oxford, transmuté en « Royal Society », en 1662 à Londres, qui deviendra le conseil scientifique de Charles II. Ce sont les membres de cette Royal Society qui constitue la première Franc-Maçonnerie anglaise.

Tous ces courants de pensée sont fondés sur la latitude donnée à chacun. Vers la fin du XVIIè siècle, les gentlemen anglais vont se réclamer de l’esprit latitudinaire qui consiste à réunir des hommes libres et de bonnes mœurs au sein d’un espace œcuménique de Loges maçonniques, ignorant les tensions religieuses. Il s’agit là d’une conduite laïque qui va déferler sur l’Europe au XVIIIème siècle. Au même moment les idées trouveront l’outil de leur propagation. Les Loges vont se structurer et les idées se répandront.

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Pour bien comprendre la place de la Franc-Maçonnerie dans le contexte anglais, il faut faire un saut dans le temps et l’espace pour retourner en Ecosse au XVIème siècle. En 1598/99, Jacques VI d’Ecosse a souci de rattraper le développement de son royaume par rapport à la France et à l’Angleterre qui avaient acquis leur style architectural. Or ce roi était féru de doctrines ésotériques de l’antiquité et de l’hermétisme. Il voulut donc faire enseigner ces sciences aux élèves maçons architectes. Il confie alors cette tâche à son intendant des édifices royaux William Schaw. Ce dernier fit alors appel à des enseignants chercheurs de l’Université d’Oxford. Durand 26 ans, de 1599 au décès de Jacques VI en 1625, des enseignants anglais vont donc venir former les maçons-architectes écossais dans une trentaine de Loges de Shaw répandues dans toute l’Ecosse.

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Pendant la guerre civile anglaise (entre 1629 et 1659), ils continueront à se rencontrer en secret en utilisant les signes de reconnaissance et le mot de maçon pour se faire mutuellement confiance. Ce mariage de l’opératif et du spéculatif jette les bases des Loges franc-maçonniques anglaises.

—> le prêtre huguenot Desaguliers et des frères Modern, le Pasteur Presbytérien Anderson et sa première constitution...

Et en France que se passe-t-il ?

JPEG Le cardinal Fleury, précepteur et Premier ministre de Louis XV, défend le pouvoir royal de droit divin. Pas question d’accepter, ni pour l’un ni pour l’autre, ces idées modernes du rationalisme et de l’émancipation des consciences qualifiés de « tolérantisme » par l’église. Pas question d’accepter que les Loges Maçonniques soient l’espace œcuménique interconfessionnel où régneraient la Raison, la Sagesse, les mœurs libertines qui rejetent l’enseignement traditionnel. (N’oublions pas que l’Angleterre a banni l’arbitraire du pouvoir royal en 1679 avec l’habeas corpus ; en 1688 le Bill of Rights a institué le pouvoir législatif du Parlement, alors que c’est seulement en 1756 que le pape Benoit XIV accepte la théorie de Copernic).

Pas question d’accepter les théories des freemasson sur le continent européen !

En 1737, le discours du chevalier de Ramsay effraya le Cardinal Fleury. Cet aventurier écossais veut rétablir la dynastie Stuart et invente un discours sur l’histoire de la Franc-maçonnerie qui créera en France une « République universelle ».

A 89 ans, le 24 avril 1738, le Cardinal Fleury obtient de son ami le pape Clément XII la bulle « In eminenti » qui va excommunier les assemblées de freemasson : « Nous avons appris qu’il s’était formé une certaine société de Francs-Maçons, admettant indifféremment des personnes de toute religion, qui se sont établies certains statuts les liants entre eux et les obligeants sous les plus graves peines, en vertu d’un serment porté sur les Saintes Ecritures de garder le secret inviolable sur tout ce qui se passe dans leur assemblées… Si leurs actions étaient irréprochables, ils ne se déroberaient pas avec tant de soin à la lumière…De là vient que, depuis longtemps, ces sociétés ont été sagement proscrites par la plupart des princes dans leurs états, qui les ont regardées comme ennemis de la sureté publique »

Ainsi c’est une analyse politique qui conduit le Pape à condamner les Francs-Maçons sur le plan religieux !

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1767 l’édit de tolérance promulgué par Louis XVI vaut reconnaissance de la pluralité des religions.

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Le 22 octobre 1773, le G.O.D.F. est créé et Louis Philippe, duc d’Orléans, en devient le Grand Maître

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La Franc-maçonnerie n’a pas directement inspiré la Révolution française. Mais il est vrai que la Maçonnerie accueillit dans ses Ateliers des hommes de progrès. Ils firent rejaillir à l’extérieur des temples les connaissances qu’ils avaient acquises en loge. Parmi ces hommes se trouvaient : Marat, Lafayette, Mirabeau et Desmoulins.

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Le XIXème siècle en France : le protestantisme libéral marqué par Ferdinand Buisson, le christianisme social avec l’abbé Lamenais, le positivisme d’Arthur Comte et le spiritualisme de Jules Simon vont converger vers une démocratie et un régime républicain où tous tiennent à leur libre arbitre. Ils aboutissent très vite aux concepts de séparation et de liberté de conscience. En 1825, Alexandre Vinet écrit :
« La liberté de conscience n’est pas seulement la faculté de se décider entre une religion ou une autre, c’est aussi essentiellement le droit de n’en adopter aucune »

—> l’Ordre moral du Maréchal de Mac-Mahon, l’encyclique Quanta cura (1864) : le pape Pie IX se déclare hostile à la démocratie et à toute liberté de conscience.

Note : En 1849, la croyance en Dieu était redevenue obligatoire au GODF.

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Jules Grevy est élu Président de la République. Ce sera l’âge d’or de l’Ecole publique et de la laïcisation (municipalisation des cimetières, loi sur le divorce, sur la liberté de la presse qui abolit le délit de blasphème).

— > pasteur Frédéric DESMONS et le vote du principe de la liberté absolue de conscience dans l’article 1 de la constitution du GODF

Les combats de la FM sur la liberté de conscience, sur la séparation de l’Etat et des Eglises qui amèneront à la loi de 1905 : la loi de 1882 sur la laïcisation de l’Ecole

C’est le G.O.D.F. qui portera le combat. L’Obédience est passée de 8500 membres au milieu du second empire à 18000 membres en 1880. Ce sont principalement des commerçants, des négociants, des marchands de vin, des petits propriétaires et rentiers, des artisans, des employés mais de plus en plus aussi des médecins, des avocats, des journalistes, des architectes, des ingénieurs, des fonctionnaires mais quasiment pas d’enseignants. La Loge de Jules Ferry en 1875 « La Clémente Amitié » compte 115 membres en 1869, mais seulement 2 instituteurs.

— -> Eugène Pelletan, Gambetta et Jules Simon, Jean Macé, la Ligue de l’enseignement ...En fait, il n’existe pas de pensée maçonnique homogène.

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Le Syllabus du pape Pie IX (1864) est une provocation contre les libres penseurs et les francs-maçons. C’est le point de départ de la mobilisation de tout le camp laïque que le pape appelle « la secte ». « De nouvelles loges se fondent, celles qui étaient endormies se réveillent, les préjugés se dissipent comme de légers nuages, pousse de vigoureux rameaux qui sauront s’unir et s’entrelacer pour défendre vaillamment la Franc-maçonnerie contre les empiètements de l’intolérance, du fanatisme, de l’ignorance et de l’hypocrisie ».

Cela se raccorde parfaitement avec le 2è combat de la Franc-maçonnerie : l’instruction des filles : « N’est-ce donc rien que cette influence occulte qui s’exerce sur nos mères, nos femmes, nos filles et qui, portant le trouble dans leur conscience, n’amène que trop souvent le désaccord dans la famille ? …

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Pourtant le mouvement achoppe sur l’idée de « morale indépendante de la religion ». C’est le grand débat maçonnique de la fin du Second Empire (Massol)

— > Louis Ulbach Jean-Marie-Lazare Caubet
« Nous enseignerons les droits et les devoirs de l’enfant et du citoyen, au nom de la liberté, de la conscience, et j’ajoute de la raison. »

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Jules Ferry déclarera : « Oui nous avons voulu la lutte anticléricale, mais la lutte antireligieuse jamais ! »

Finalement une série de lois sur l’école primaire rendront l’école gratuite (1881), l’instruction obligatoire et l’enseignement public laïque (1882).

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La loi Goblet (de René Goblet, Président du Conseil) du 30 octobre 1886 parachèvera les lois Jules Ferry en confiant à un personnel exclusivement laïque l’enseignement dans les écoles publiques.

— > la loi de 1901, L’affaire des fiches, Emile Loubet, Maurice Rouvier, Aristide Briand, Paul Grunebaum-Ballin et Louis Méjan, Jaurès ...

Leur volonté : « une loi de large neutralité, susceptible d’assurer la pacification des esprits », « une loi faite de liberté, de franchise et de loyauté » et non une loi qui serait « braquée sur l’Eglise comme un revolver ». La loi de séparation est votée en juillet par la Chambre, en décembre par le Sénat et promulguée le 11 décembre 1905.

Montalembert « l’Eglise libre dans l’Etat libre ».

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100 ans après

Le G.O.D.F. est toujours engagé dans son combat pour la laïcité et organise les assises de la laïcité le 9 décembre 2005 proclamant 12 chantiers de la laïcité.

Son mot d’ordre : « VIGILANCE »

J’ai dit !

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